« Les GHT, c'est un succès, une obligation et une contrainte ». Grand manitou de la réforme de la carte hospitalière (il avait conduit une mission en 2015 pour réussir la mise en place des GHT), le Dr Frédéric Martineau a établi un état des lieux, à l'occasion d'un débat organisé par le cabinet d'avocats Houdart et associés.
Les 135 groupements sortis de terre en 2016 avaient jusqu'au 1er juillet 2017 pour élaborer leur projet médical partagé. Selon le radiologue de l'hôpital de Bayonne, 109 ont respecté le délai en transmettant leur dossier finalisé aux tutelles. Depuis, onze GHT supplémentaires ont rejoint les rangs des bons élèves. « Ce n'est pas rien vu la contrainte de calendrier. On vient de passer un cap », commente-t-il.
Sur les 109 premiers dossiers, 84 associent le projet médical au projet de soins (des infirmiers). Pour les autres GHT, le manque de transversalité dans la constitution du projet territorial qui implique pourtant l'ensemble des soignants et des médecins hospitaliers « va poser problème », diagnostique le Dr Martineau.
Plusieurs types de filières
Le contenu de chaque projet médical est diversement abouti. La moitié d'entre eux ont privilégié la création de filières par pathologie, en particulier autour du cancer (gynécologique, digestif, etc.). Une autre moitié a préféré l'approche centrée sur le patient et la filière de soins : urgences, soins palliatifs, douleur, biologie, imagerie, pharmacie. « On note une réflexion particulière sur le médicotechnique dans les établissements », analyse le Dr Martineau. Enfin, une minorité de projets médicaux ont fait le choix de filières « populationnelles » : prise en charge des personnes âgées, de la femme et de l'enfant, du handicap et de la précarité.
Alors que la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) appelle de ses vœux l'ouverture des GHT aux cliniques – qui ne peuvent qu'y être associées –, les chiffres du Dr Martineau confirment le caractère très « secteur public » de la réforme. Seuls 4 % des projets médicaux partagés déjà élaborés ont inclus d'entrée de jeu les cliniques.
Ouverture ou repli ?
Les acteurs du secteur interprètent différemment ces premières remontées du terrain. Michel Laforcade, directeur de l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle Aquitaine, voit dans les GHT une « belle histoire » pour le secteur public mais réclame dans le même temps une « injonction un peu plus forte pour que le privé participe à la réforme ». Dans sa région, il salue la « très bonne idée » du GHT des Deux-Sèvres de travailler main dans la main avec les libéraux de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) locale.
Moins optimiste, Antoine Perrin, directeur de la FEHAP (privé non lucratif), pointe le risque de « repli sur soi » des hôpitaux. « Les GHT ne sont pas un succès, jette-t-il. On fait le buzz autour de cette réforme plutôt que sur les projets régionaux de santé, qui risquent de s'organiser autour de l'hôpital public. C'est une erreur ! »
Jérôme Nouzarède, patron du groupe de cliniques Elsan, partage cette opinion défavorable : « J'ai observé un gel des discussions et la suppression des coopérations existantes sous couvert de création de GHT », regrette-t-il. À l’inverse, Maxime Morin, directeur du Centre Hospitalier Public du Cotentin (Manche), secrétaire général adjoint du SYNCASS-CFDT (directeurs), témoigne d'une mutualisation efficace sur les achats « deux à trois fois par an » avec la polyclinique voisine... mais d'un blocage de coopération avec les deux EHPAD publics du GHT Cotentin. « Entre les deux établissements, on ne sait pas qui dirige qui . Le rapport hiérarchique est flou. Ça ne marche pas faute d'outils juridiques adaptés ! ».
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