EN JANVIER 2009, lors d’une conférence de presse organisée à l’initiative du LIEN, association des victimes d’infections nosocomiales, quatre spécialistes* et deux experts du pôle d’hygiène du CDC américain, rédacteurs des recommandations américaines avaient tiré la sonnette d’alarme et demandé à Roselyne Bachelot que soit maintenue une désinfection de niveau intermédiaire entre deux patient(e)s pour les sondes d’échographie endocavitaire (« le Quotidien » du 20 janvier 2009). L’appel lancé quelques semaines après la confirmation des recommandations françaises de janvier 2008 par le Haut Conseil de santé publique (HCSP), avait suscité beaucoup d’émotion. À tel point que le médiateur de la République sollicitait, dès le 22 janvier, un avis de l’Académie de médecine, évoquant une « discordance préoccupante » : « Afin de pouvoir rassurer les usagers comme les professionnels, je serais vivement intéressé de connaître rapidement votre analyse sur ce dossier », précisait-il dans une lettre adressée au secrétaire perpétuel, le Pr Jacques-Louis Binet.
Trois fois NON.
Le rapport publié cette semaine a été adopté à l’unanimité en séance à l’Académie. Les rapporteurs, les Prs Alain Cabanis et Claude-Henri Chouard, ont, au nom du groupe de travail constitué à cet effet, répondu NON aux trois questions qui, selon eux, résumaient la lettre du médiateur. La controverse actuelle relative à la désinfection des sondes d’échographies endocavitaires mérite-t-elle l’émotion suscitée ? Différentes pratiques s’opposent-elles vraiment sur les méthodes utilisées pour les désinfecter ? Existe-t-il une discordance préoccupante entre les dernières recommandations de bonnes pratiques médicales du HCSP et l’opinion des scientifiques réunis par l’association de patients ?
Selon le groupe de travail, qui a auditionné une vingtaine de personnalités, dont Alain-Michel Ceretti, conseiller santé du médiateur de la République et ancien président du Lien, la polémique serait née d’une « discordance de termes et non de faits ». En particulier, l’emploi des notions de désinfection de niveau haut, intermédiaire ou bas, serait inapproprié. « La classification de Spaulding, qui avait été utilisée en 1998 par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France dans son guide de bonnes pratiques, est une classification des traitements requis du matériel en "niveaux de risque infectieux", dits risque bas, risque médian ou risque haut. Mais cette classification ne définit pas les caractéristiques d’un désinfectant de "niveau bas" comparé à un autre qui serait de "niveau intermédiaire ou haut" », précisent les académiciens. Aux qualificatifs de Spaulding, ils préfèrent la terminologie numérique moins manichéenne utilisée par la Société française d’hygiène hospitalière (niveau 1 : instrument propre qui a été en contact avec la peau saine ou qui a été protégé par une gaine ; niveau 2 : instrument a été en contact avec des sécrétions biologiques mais n’est pas destiné à être introduit dans des cavités stériles ; niveau 3 : stérilisation hors du champ de l’avis). À chaque niveau, sont recherchées des propriétés spécifiques, bactéricides, fongicides, virucides, voire sporicides. Le rapport insiste sur le fait « que les États-Unis ne distinguent que deux niveaux de risques, ce qui a été source de confusions ».
Le niveau 1 s’applique donc lorsque l’instrument est protégé. « Au cas où la gaine, en cours de normalisation européenne, serait rompue, ou bien mal retirée avec souillure de l’instrument, il est nécessaire d’appliquer un traitement restant efficace en présence de sang ou de protéines, donc validé niveau 2 », poursuit le rapport. Il ajoute : « Il n’est en général pas recommandé de recourir inutilement à un traitement de niveau 2 lorsque le niveau 1 est requis, les produits désinfectants de niveau 2 étant plus complexes et en général plus toxiques pour le patient par leurs résidus ou plus agressifs pour le matériel à désinfecter. »
Manipulation.
Par ailleurs, le groupe de travail, rappelant la chronologie des faits – notamment l’affaire des cabinets de radiologie du nord de la France qui a déclenché les inquiétudes des associations de patients – dénonce une « manipulation de l’opinion à des fins mercantiles » d’autant plus « regrettable que l’efficacité de l’appareillage en question n’est pas démontrée, pour ce qui est la désinfection des dispositifs médicaux ». À propos du procédé de désinfection par les rayons ultraviolets, les académiciens sont formels : « En aucun cas, ce ne serait un niveau 2 pouvant assurer son efficacité en présence de souillures. Il est donc tout à fait hors de propos de revendiquer pour ce procédé un traitement désinfectant de niveau 2 efficace, puisque de toutes façons, le prétraitement de nettoyage serait nécessaire à son application et que "de facto", ce procédé serait à classer dans le niveau 1 (autrement dit niveau "bas"). »
* Pr Albert Claude Benhamou, chirurgien vasculaire à l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris), Pr Guy Frija, chef du service d’imagerie médicale à l’hôpital européen Georges Pompidou (HEGP), les Drs Guillaume Kac, médecin hygiéniste à l’HEGP et Pierre-Yves Allouch, chef du service d’hygiène hospitalière du CH de Versailles
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