L’endettement des établissements publics de santé a triplé en dix ans. C’est l’amer constat que dresse la Cour des comptes dans un récent rapport qui n’invite guère à l’optimisme.
Les hôpitaux sont passés de 9,8 milliards d’euros de dettes en 2003 à 26,5 milliards en 2011, pour atteindre 29,3 milliards l’année suivante (1,4 % du PIB).
Comment en est-on arrivé là ? Pour les Sages de la rue Cambon, l’emballement de la dette est une conséquence directe d’une politique d’investissement massif financé par l’emprunt, insufflée par les plans Hôpital 2007 et 2012 du ministère la Santé.
En parallèle, la suppression « quasi-totale » des contrôles sur les emprunts hospitaliers (notamment en 2009 grâce à la loi Bachelot) a poussé un peu plus les hôpitaux dans le rouge. L’investissement hospitalier est passé de 3,6 milliards d’euros en 2003 à plus de six milliards en 2010.
La Cour estime que les gestionnaires hospitaliers ont également leur part de responsabilité dans l’endettement des hôpitaux. Le « parti pris délibérément optimiste » de certains sur l’accroissement de l’activité de leur hôpital a contribué à en plomber un peu plus les comptes. « Le resserrement de l’ONDAM hospitalier (dépenses d’assurance-maladie, de 6,4 % en 2003 à 2,5 % en 2012, NDLR) et ses conséquences sur le niveau des tarifs n’ont pas été anticipés », assènent les Sages.
Trop d’emprunts
Depuis 2011 (et le gel du plan Hôpital 2012), les agences régionales de santé (ARS) supervisent la trésorerie des établissements les plus fragiles, qui ne peuvent réemprunter sans leur bénédiction. Malgré cette récente prise de conscience, certains établissements demeurent dans une situation délicate. Difficile de se remettre du jour au lendemain de dix années de recours larga manu à l’emprunt. 335 hôpitaux sont encore fortement encadrés par leur agence.
Fin 2012, les emprunts les plus risqués se concentrent sur une centaine d’établissements et représentent un milliard d’euros. C’est le cas des centres hospitaliers de Juvisy-sur-Orge (Essonne), Villefranche de Rouergue (Aveyron), Meaux (Seine-et-Marne) et des CHU de Saint-Étienne, Nantes et Fort-de-France.
Difficile également de passer outre la crise financière de 2008 et le démantèlement de la banque Dexia (qui a fourni un grand nombre d’emprunts toxiques). Les banques, constatent les Sages, hésitent aujourd’hui à prêter au secteur hospitalier. La suppression de lignes de crédits et l’abaissement des plafonds d’emprunts mènent alors certains hôpitaux dans une « véritable impasse de trésorerie », cela malgré les 300 millions d’aides d’urgence accordées par l’État en 2011 et 2012.
Un soutien de 20 millions d’euros annuels
Marisol Touraine espère stabiliser la dette hospitalière à l’horizon 2015. Pour la Cour des comptes, cette promesse ne peut être tenue sans une « absolue rigueur » sur le recours à l’endettement, à limiter aux projets économiquement viables. Cela sous-entend de mettre la pédale douce sur les investissements.
Les Sages exhortent la ministre de la Santé à saisir à bras-le-corps le dossier des emprunts toxiques. La création d’un fonds de soutien de 20 millions d’euros annuels (sur 15 ans) financé par l’assurance-maladie et par le système bancaire permettrait aux hôpitaux de souffler.
La Cour appelle enfin à recadrer le pouvoir des directeurs d’hôpitaux, en les obligeant à présenter tous les ans leur stratégie de gestion de la dette à leur conseil de surveillance et aux ARS.
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique