La notion de douleur psychique, autrefois appelée douleur morale, est co-subtantielle de la notion de maladie dépressive. « La dépression est le principal facteur de conduites suicidaires à travers la douleur psychique, et tous les témoignages de suicidés ou de suicidants indiquent que, plus qu’un désir de mort, leur geste est sous-tendu par le désir d’échapper à l’insupportable douleur », explique le Pr Jean-Pierre Olié, Chef du Service à l’Hôpital Saint-Anne et membre de l’Académie de médecine qui avait évoqué la légitimité de parler de douleur psychique, « à la fois d’un point de vue physiopathologique, d’un point de vue pronostique et d’un point de vue thérapeutique » lors d’une conférence donnée devant l’Académie de médecine (1).
Les progrès de la connaissance sur les mécanismes de l’intégration centrale des messages nociceptifs périphériques (voir dans ce numéro « Comprendre la douleur pour mieux la traiter »), notamment grâce à la combinaison de l’imagerie fonctionnelle couplée et des techniques d’enregistrements intracérébraux, ont permis de confirmer qu’il n’y a pas un centre unique de la douleur. Et en même temps de montrer que la douleur psychique est différente de la douleur physique, même si elles partagent un corpus d’éléments corticaux qui s’activent dans les deux cas. Il y a bien un noyau de réponses tardives communes et aspécifiques qui se retrouvent dans les choses importantes de la vie, dans les expériences de douleurs physique et psychique mais également dans la joie et l’orgasme. Pour le Pr Olié, « la douleur physique est provoquée soit par des éléments extérieurs (perte, exclusion sociale…) soit par une physiopathologie évidemment moins bien connue que pour la douleur physique ».
Le bon diagnostic et le bon traitement
Des équipes tentent de mesurer la sensibilité à la douleur psychique et de trouver des méthodes prédictives et diagnostiques. Les douleurs psychiques sont toujours dites erratiques, difficilement localisables et souvent insensibles aux traitements antalgiques, même si le traitement historique de la mélancolie a été les substances opiacées, dont le très addictif Laudanum de Sydenham, faute de meilleure alternative. Aujourd’hui les traitements sont en partie communs avec ceux prescrits dans les douleurs chroniques neuropathiques mais ceci s’explique par le fait que les systèmes de neuromédiateurs sont pluriels et communs dans les deux grands types de douleurs. Il y a donc une tendance à proposer une thérapeutique poly-pharmacologique peu spécifique (inhibiteurs de recapture non sélectifs des amines, molécules opiacées ou dérivées, agents ciblant les voies glutamatergiques en cours de développement). La kétamine, anesthésique et antagoniste des récepteurs au NMDA, s’avère aujourd’hui un traitement efficace dans le traitement de la douleur psychique du déprimé. Il réside, explique le Pr Olié, une « difficulté à bien définir les limites entre maladie dépressive et coup de blues ». Et par conséquent à effectuer le bon diagnostic et à prescrire le bon traitement. Le diagnostic s’appuiera principalement sur l’ensemble des symptômes de la dépression, en particulier les inhibitions cognitives, motrices, émotionnelles et affectives et, « toutes les pensées négatives de dépression jusqu’aux idées de mort », précise le Pr Olié. Il y a un impératif à caractériser encore mieux la neurophysiologie de la douleur psychique car « on continue à mourir de suicides, la dépression étant le principal facteur de conduites suicidaires à travers la douleur psychique », conclut le Pr Olié.
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