Faute d’anesthésistes-réanimateurs hospitaliers, un nombre croissant d’établissements annoncent la fermeture temporaire de leurs plateaux techniques, quand ils ne brandissent pas la menace de fermetures définitives, alerte le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare).
L’activité des blocs opératoires et des maternités « ne tient plus que sur la bonne volonté des médecins anesthésistes-réanimateurs », affirme le syndicat qui accuse les tutelles de « déroger à la limitation du temps de travail des médecins hospitaliers ». Des spécialistes auxquels on propose de faire du temps de travail additionnel (TTA), « sur la base du volontariat, contractualisé… et payé en dessous du salaire des praticiens », dénonce le Snphare. Conséquence ; les PH en poste se retrouvent à travailleur le plus souvent « au-delà de 48 heures par semaine ».
Le TTA, un levier pervers
Or, l’accumulation subie des heures supplémentaires perturbe l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle et a « très probablement » des conséquences sur la santé des praticiens et des équipes, poursuit le syndicat. Plus du tiers des anesthésistes-réanimateurs faisaient du TTA « contraint », révélait déjà en 2018 l’enquête Contramar du Snphare, persuadé que ce taux est aujourd’hui « beaucoup plus élevé ».
Une stratégie qui trouve ses limites, dans un contexte d'épuisement. Les anesthésistes du CHU de Brest ont décidé de ne plus réaliser d’heures supplémentaires. En cause, un « épuisement professionnel du fait de la charge de travail excessive fortement majorée ces derniers mois », précise Le Télégramme. Conséquence : près de 70 % des opérations non urgentes ont été déprogrammées.
Usure
Contactée par Le Quotidien, la Dr Anne Geoffroy-Wernet, présidente du Snphare, estime que « ce qui se passe à Brest pourrait se passer partout ailleurs ». On assiste à « une usure » des médecins, éreintés par la crise sanitaire et les plans blancs successifs, et qui sont « de moins en moins enclins à faire des heures supplémentaires », observe l’anesthésiste-réanimatrice du CH de Perpignan. Notamment parce « cela n’avance pas suffisamment vite du côté des tutelles ».
La charge de travail et les sujétions dans ces spécialités à risques fragilisent les équipes des blocs opératoires. « On se rend compte que l’on travaille de plus en plus, notamment en garde. Les équipes vieillissent et les jeunes n’arrivent pas assez en nombre pour compenser les départs », déplore la praticienne. Quant aux salaires à l’hôpital, ils peinent toujours à rivaliser avec ceux du privé. « Récemment, une clinique m’a proposé un salaire de 20 000 euros pour un mi-temps. Comment voulez-vous qu’on attire les jeunes qui touchent, en début de carrière, un salaire huit fois moins important ? », interroge la Dr Geoffroy-Wernet.
Ratios, temps continu, pénibilité…
Pour inverser la tendance, le Snphare réclame des mesures d’attractivité majeures comme le fait de sanctuariser un nombre d'anesthésistes-réanimateurs par salle (entre un et deux selon le type de patient et d’intervention). Au-delà de deux salles pour un seul anesthésiste, « les assureurs estiment qu’il y a un danger pour les patients », explique sa présidente.
Son syndicat milite également pour « le passage en temps continu systématique » pour l’ensemble des services d’anesthésie-réanimation du territoire, avec une réduction des obligations de service à 39 heures. Si bon nombre de services fonctionnent aujourd’hui en temps continu, il s’agit surtout « d’accords locaux avec la direction, qui sont d’ailleurs assez fragiles car il y a régulièrement des conflits ».
Il conviendrait aussi d'« adapter le nombre d’internes formés en anesthésie-réanimation à la charge de travail réelle » (en anesthésie, soins critiques et médecine périopératoire). Quant au chantier crucial de la permanence des soins, il devra « prendre en compte sa pénibilité, sa rémunération, mais aussi la durée de la garde et les conditions de dispense de la permanence des soins nocturne ».
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