Maxime avait 27 ans et terminait sa dixième année d'études au CHU de Marseille, en chirurgie orthopédique. Le 15 février, ce jeune homme brillant s'est donné la mort.
Cette tragédie a eu un écho national. Les corporations de plusieurs villes et l'Intersyndicat national des internes (ISNI) ont appelé au respect strict et absolu des réglementations en vigueur sur le temps de travail et le repos de sécurité pour éviter que ce drame ne se reproduise.
Deux mois et demi plus tard, les circonstances qui ont conduit cet interne à passer à l'acte ne sont pas officiellement connues. Les résultats de l'enquête menée par l'AP-HM demeurent secrets. Mais pour la mère de Maxime, qui a pu en prendre connaissance, il ne fait aucun doute que l'activité professionnelle est en lien direct avec le suicide de son fils. « On retrouve dans les témoignages de ses derniers jours des signes d'épuisement professionnel, un vécu de dévalorisation, le sentiment de ne pas parvenir à répondre correctement aux attentes de sa hiérarchie et des patients », affirme-t-elle dans une émouvante lettre adressée au « Quotidien ».
Les conditions de travail et la pression continue (repos de sécurité non respecté, horaires extensibles, course aux diplômes, incertitude d'avoir un poste d'assistant, rémunérations sans rapport avec leur investissement…) sont également citées dans ce courrier.
5 suicides l'an dernier à Paris
Les professionnels de santé sont une population particulièrement exposée au risque suicidaire et les médecins en exercice n'en sont pas les seules victimes. Chaque année, plusieurs internes en médecine mettent fin à leurs jours. Impossible d'en connaître le nombre exact – car aucun observatoire ne les recense précisément – mais l'incidence du suicide chez les internes se révèle nettement plus forte que dans la population générale pour cette classe d'âge (lire les repères ci-contre).
La région francilienne paie un lourd tribut. « Tous les ans, au moins cinq internes mettent fin à leurs jours en Ile-de-France », confie Leslie Grichy, vice-présidente du Syndicat des internes des hôpitaux parisiens (SIHP).
L'internat constitue un moment particulièrement sensible. Les internes doivent assumer de nouvelles responsabilités, faire tourner les services. Ils sont parfois déracinés, sans attache, quand ils arrivent dans une nouvelle région. Les suicides concernent aussi des jeunes médecins en fin de cursus, qui s'interrogent sur leur avenir, ont un problème pour trouver un post-internat.
« L'année écoulée entre juin 2014 et 2015 a été dramatique avec cinq suicides dont trois étaient internes de médecine générale, commente Stefan Neraal, président du Syndicat représentatif parisien des internes de médecine générale (SRP-IMG). Deux internes ayant terminé leur dernier stage, il n'y a pas eu d'enquête. »
L'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) s'est récemment emparée du dossier en lançant un plan d'action pour accompagner les internes en difficulté. « C'est un problème majeur auquel nous sommes sensibles, déclare le Pr Jean-Yves Artigou, président de la commission des internes au sein de la CME de l'AP-HP. Nous avons mis en place une plateforme et mobilisé tous les acteurs, chefs de service, co-internes, coordinateurs des disciplines, pour déclencher l'alerte. »
Tous les internes en première année sont censés passer une visite médicale obligatoire auprès de la médecine du travail. Les jeunes en souffrance peuvent se tourner vers une commission de la vie hospitalière mais en pratique peu le font. Ils préfèrent s'adresser à leurs pairs de SOS-SIHP (voir ci-dessous).
Sujet tabou
Le suicide des internes demeure tabou. « Dans le monde médical, on est tous dans le mythe du surhomme, on a envie de protéger son collègue et quand il ne va pas bien, on ne le signale pas assez », confie un interne parisien.
La problématique inquiète les autorités hospitalo-universitaires. « Ce sujet nous préoccupe, confirme le Pr Jean-Luc Dubois-Randé, président de la conférence des doyens. La fréquence de ces actes est relativement élevée. Dans certains services, la pression est tellement forte qu'elle pousse des internes à penser qu’ils sont mauvais. Ils ressentent alors une culpabilité qui peut avoir des conséquences dramatiques. »
Lors de la grande conférence de santé, le gouvernement a mis en place un groupe de travail spécifique pour prévenir les risques psychosociaux de tous les soignants. Mais la mise en œuvre d'actions concrètes prendra du temps. Il y a pourtant urgence. Selon une récente étude* publiée dans le « Journal of the american medical association » (JAMA), près d'un interne sur trois souffre de dépression ou de symptômes dépressifs, soit plus du triple que le reste de la population.
* Analyse de 54 études portant sur plus de 17 000 internes, menées entre janvier 1963 et septembre 2015 partout dans le monde.
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