L’hôpital numérique est un des 34 grands plans de reconquête industrielle du gouvernement, au même titre que la rénovation thermique des bâtiments, la chimie verte ou les biotechnologies médicales.
Sur le papier, les enjeux sont prometteurs : accroître la qualité de l’offre de soins, améliorer la prise en charge du malade, maîtriser les dépenses de santé et offrir à la filière industrielle française des opportunités de croissance. Cette modernisation hospitalière rendue possible par la révolution numérique recouvre le développement des systèmes d’information pour l’hôpital mais aussi la e-santé, qui mobilise un écosystème dynamique (grands industriels et start-up). Sur le terrain en revanche, les choses s’avèrent plus compliquées, comme l’a montré un colloque à Rennes en présence de professionnels de santé, chercheurs et entrepreneurs. L’exemple du CHR de Metz-Thionville, premier établissement de santé à devenir un « hôpital 2.0 » (avec l’objectif de s’affranchir totalement du papier dès 2015), est finalement rarissime.
Première raison : la faiblesse des budgets consacrés aux systèmes d’information des hôpitaux. Ce poste stratégique représentait 1,5 % du budget moyen des établissements de santé en 2008 et seulement 1,7 % en 2013.« À titre de comparaison, il est de 7 % aux États-Unis », souligne Sébastien Marché, directeur des opérations stratégiques Orange Healthcare. La France reste loin, en tout cas, de son objectif de 3 %.
Outils pas à la hauteur, perte de temps
Autre difficulté chronique : le manque de volonté politique pour bâtir un puissant écosystème numérique en santé, faute de fil directeur et de cahier des charges clair. Certes, les expérimentations se multiplient (territoires de soins numériques par exemple), à l’initiative des ARS, mais l’environnement reste sclérosé. « L’informatique hospitalière a été développée pour améliorer les outils de gestion, les professionnels de santé sont submergés encore aujourd’hui pour cette utilisation », explique le Pr Éric Stindel, chirurgien orthopédiste au CHU de Brest et président de la Société française pour le développement de la chirurgie assistée par ordinateur.
Pour le Pr Philippe Mabo, chef du département de cardiologie et maladies vasculaires au CHU de Rennes, il faudrait davantage écouter les médecins de terrain. « Les praticiens rencontrent des difficultés car les outils ne sont pas à la hauteur et sont donc accueillis avec réticence car ils engendrent perte de temps et surcharge de travail ». La solution passe au minimum par l’intégration réussie des moyens technologiques dans l’organisation pratique des hôpitaux. « Dans mon service, vous verrez de gros ordinateurs pour lesquels le personnel est toujours en train de chercher une prise électrique pour les recharger ! », témoigne un médecin. « On ne se donne pas les moyens de nos ambitions, résume le Pr Stindel. Tant qu’on n’a pas réfléchi au système dans son ensemble, aux différents métiers, on ne pourra pas avancer. »
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique