Vers un mouvement de désobéissance médicale ? C'est en tout cas un nouveau coup de semonce pour le gouvernement à la veille de la manifestation pour défendre l'hôpital public, prévue de longue date ce mardi 17 décembre par médecins et soignants du collectif inter-hôpitaux (CIH). À Paris, le cortège hospitalier se retrouvera à 11 heures à l'hôpital Lariboisière (Assistance publique-Hôpitaux de Paris, AP-HP) pour s'élancer à midi en direction de la place de la République.
« Nous sommes plus de 660 signataires de toutes spécialités, de tous hôpitaux et de toutes régions. Lorsque nous serons 1 000, nous adresserons notre lettre à la ministre pour lui enjoindre d'ouvrir les négociations avec le CIH… ou de nous rejoindre. » Adepte des tribunes au vitriol, le Pr André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie et fer de lance du CIH, a frappé fort en publiant dans le « Journal du Dimanche » un texte incisif, avec ce message clé : « Afin de crier leur désespoir, des chefs de service, responsables d'unités de soins et médecins participant à la gestion des hôpitaux nommés ou élus, ne demandant rien pour eux-mêmes, s'engagent à démissionner si la ministre n'ouvre pas de réelles négociations pour desserrer la contrainte imposée à l'hôpital public. »
Après la grève du codage
Plusieurs praticiens de l'AP-HP, dont les Prs Stéphane Dauger (Robert-Debré) et Antoine Pelissolo (Henri-Mondor), figures du collectif inter-hôpitaux, sont parmi les premiers signataires.
Alors que la crise à l'hôpital s'enlise, les praticiens du CIH tentent une fois de plus, après un mouvement de grève du codage, d'attirer l'attention d'Agnès Buzyn. « Les médecins hospitaliers ont eu beau sonner l'alarme, la rigueur est devenue austérité, puis l'austérité pénurie, écrivent-ils. La ministre actuelle ne manque pas de témoigner sa compassion mais le vrai ministère de la Santé est désormais à Bercy. Nous devons donc nous résoudre aujourd'hui à un mouvement de désobéissance inédit. »
Estimant que le plan d'urgence du gouvernement n'est pas à la hauteur des enjeux, les médecins réclament l'ouverture d'un « Grenelle de l'hôpital public avec un vrai plan financé répondant aux besoins ».
Revalos « massives » des carrières
Une dizaine de syndicats* et organisations de praticiens hospitaliers, jeunes médecins et carabins, ont aussi sonné le tocsin ce lundi. Ils appellent tous les professionnels « à rejoindre les manifestations unitaires qui permettront l’expression des revendications propres au service public hospitalier ».
Eux aussi attendent du gouvernement l'ouverture « immédiate » de négociations « afin de sortir de la logique d’évitement » actuelle. Ils revendiquent une augmentation du budget hospitalier (ONDAM) « au moins égal à l’évolution naturelle des dépenses (4,4 %) », une « revalorisation massive des carrières médicales et non médicales, notamment en début de carrière » et une « gouvernance partagée plus ouverte aux professionnels médecins et soignants ».
Même son de cloche du côté du SNPHARe, qui a déposé un préavis de grève des soins urgents et non urgents pour le 17 décembre. « Rien n'a avancé depuis le 14 novembre [date de la première grande manifestation hospitalière, NDLR] pour l'attractivité de l'hôpital public pour les médecins hospitaliers, déplore le syndicat de PH : ni sur les conditions de travail, ni sur les rémunérations. »
La CFDT veut un plan B
Les médecins sont soutenus dans leurs revendications par le syndicat de managers hospitaliers (SMPS), qui « maintient » ce lundi son appel à la mobilisation. Il plaide pour un plan de refondation de l’hôpital « plus ambitieux », « plus d’autonomie et moins de bureaucratie » et « de meilleurs salaires » pour tous.
La CFDT-Santé sociaux exhorte elle aussi le gouvernement à lâcher du lest pour les hospitaliers dans un « plan B de sauvetage urgent et indispensable », présenté ce lundi et remis à la ministre de la Santé. La centrale syndicale propose de cesser la « pression structurelle sur la masse salariale et les effectifs » en augmentant le taux de l'ONDAM « aux alentours de 5 % », précise la secrétaire générale Eve Rescanières au « Quotidien ». La CFDT-Santé sociaux pousse également pour l'ouverture de négociations sur « tous les sujets de préoccupations des hospitaliers ».
Buzyn étend la prime de risque
Pour tenter d'éteindre les départs de feu, Agnès Buzyn a annoncé ce lundi le déploiement de la prime de risque de 100 euros net mensuels débloquée en juillet aux personnels travaillant aux urgences publiques, et non aux seuls paramédicaux de ces services. « Le versement de cette prime est étendu à partir de ce mois-ci à tous les personnels qui consacrent une majorité de leur temps de travail aux services d’urgences, y compris ceux qui sont rattachés à d’autres unités fonctionnelles, comme cela peut être le cas par exemple des brancardiers ou des manipulateurs radio, où à d’autres établissements, tels que les infirmiers de psychiatrie qui interviennent aux urgences », a communiqué Ségur.
* SNAM-HP, AH, APH, CPH, CMH, ISNI, Jeunes Médecins, AJPH, FNSIP-BM, INPH, ANEMF.
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