Chacun jure que le dialogue n’est pas rompu, que sa porte reste ouverte. Les communiqués, pourtant, sont très secs. Tout comme les amabilités échangées dans « La Montagne », le journal local. La clinique et l’hôpital de Montluçon semblent bien ne plus avoir grand-chose à se dire.
Le maire, à trois reprises depuis janvier, avait pourtant mis autour de la table les deux établissements. Le 19 mars devait être finalisée une coopération en orthopédie et en chirurgie digestive. La réunion a capoté. Comme avait capoté, trois ans auparavant, le projet de Médipole, censé rapprocher la clinique et l’hôpital.
L’hôpital de Montluçon préfère se rapprocher de trois autres hôpitaux publics. Pour la clinique, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ses urgences et son USIC (unité de soins intensifs cardiologiques) sont déjà sur la sellette. L’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne n’entend pas renouveler les autorisations.
Le patron du groupe Vitalia, qui possède la clinique, est très remonté. « L’idéologie du ministère, c’est que tout doit aller à l’hôpital public. Dans certaines régions, le pragmatisme l’emporte. En Auvergne, l’ARS est aux ordres. Nous vivons dans une dictature sanitaire », s’emporte Jean-Baptiste Mortier.
Le DG d’ARS François Dumuis n’a pas répondu à nos questions, à cause du devoir de réserve lié aux élections. De même pour le trio d’administrateurs, qui, depuis juin 2013, pilote l’hôpital, déficitaire et très endetté.
D’un côté comme de l’autre, les médecins jurent qu’ils s’entendent plutôt bien, qu’ils subissent la situation. Le président de la Commission médicale d’établissement (CME) du centre hospitalier reproche à Vitalia sa « stratégie de conquête agressive ». « La logique de business vient polluer le débat », déclare le Dr Philippe Verdier, réanimateur aux urgences.
L’hôpital, en mauvaise posture, est surveillé de près par Paris. Il doit relever son activité, combler son déficit, recruter des médecins (30 % de postes vacants). Or les mouches n’aiment guère le vinaigre. « Ouvrir une USIC rend l’hôpital plus attractif pour les chirurgiens et les anesthésistes », lâche le Dr Verdier.
Le GCS en cardiologie abandonné
Du côté de la clinique (l’hôpital privé Saint-François), c’est l’amertume et l’indignation. « Notre USIC marche bien. Nous la retirer, c’est de la spoliation », tempête le Dr Jean-Pierre Binon (CMSF), cardiologue et président de l’URPS Auvergne. Le groupement de coopération sanitaire (GCS) en cardiologie qui réunissait l’hôpital et la clinique – l’unique coopération jamais mise sur pied – a fini par prendre l’eau. Quitter la région ? « La question se pose », répond le Dr Binon.
Le président de la CME de la clinique redoute une vague de départs. « L’ambiance est catastrophique », observe le Dr Jean-Michel Bons, écœuré que l’hôpital fasse appel à des cardiologues libéraux de Clermont-Ferrand. « L’hôpital avait approché nos praticiens, mais en leur proposant un contrat surréaliste ».
Une pétition locale a recueilli 9 000 signatures. Le médecin DIM de la clinique préside le comité de défense des patients du bassin montluçonnais : « Le privé a fait sa révolution, les quatre cliniques de la ville ont fusionné, indique le Dr Jean-Pierre Porta. L’hôpital, lui, est parti dans un délire pharaonique, avec des bâtiments somptuaires. On paye les pots cassés. C’est toute l’offre de soins locale qui se trouve menacée ».
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