LE QUOTIDIEN - La campagne tarifaire 2013 a donné lieu à une polémique entre les secteurs public et privé. Estimez-vous que la diminution des tarifs des cliniques menace l’emploi et les investissements ?
PASCAL ROCHÉ - La campagne 2013, qui se traduit par une baisse des tarifs de 0,56 % pour le privé [0,21 % et 0,35 % de réserve prudentielle], après des années de gel tarifaire, pose un vrai problème pour l’avenir de l’hospitalisation privée en France. Nous devons assumer des normes toujours plus strictes, une inflation des prix des médicaments, l’innovation très coûteuse… Environ 35 % des cliniques sont en déficit. Une clinique ferme tous les quinze jours ! Cette situation ne peut qu’empirer avec de tels arbitrages. Le privé a respecté l’ONDAM 2012. La baisse des tarifs nous fait très mal et est incompréhensible. Je rappelle que Générale de Santé est le 16ème recruteur en France tous métiers confondus. Nous avons recruté l’an passé plus de 3000 personnes en CDI, 1040 jeunes diplômés…
Dans ce contexte, GDS a publié des résultats qui marquent un léger repli du chiffre d’affaires publié. Est-ce un signe inquiétant ?
Non, il traduit surtout notre bonne résistance. À périmètre constant, notre CA augmente en effet de 2,5 %. Nous accueillons davantage de patients. Et nous avons continué de bâtir pour l’avenir avec des investissements qui ont atteint l’an dernier 174 millions d’euros en nouveaux hôpitaux, extensions et nouveaux matériels. Surtout, nous avons réorganisé notre offre en 19 pôles opérationnels, le cœur de notre stratégie. Les projets médicaux de pôles et les filières – cancérologie, orthopédie… -, construits avec les médecins, nous permettent de mieux cibler nos investissements. Et nous continuerons de faire le maximum d’économies sur nos frais généraux.
À Limoges ou à Paray-le-Monial, les ARS ont rendu des arbitrages défavorables à des cliniques. Cela vous inquiète ?
La somme des cas récents nous soucie. S’agissant des ARS, je note que l’IGAS s’est interrogée sur leur ambiguïté et leur rôle à la fois de régulateur et d’opérateur vis-à-vis de l’hôpital public. Nous serons très vigilants. Il serait illogique et dangereux que le privé devienne une variable d’ajustement du public.
Comment accueillez-vous le pacte de confiance à l’hôpital de Marisol Touraine. Y voyez-vous un retour en arrière par rapport à la loi HPST, sur l’attribution des missions de service public par exemple ?
Sur les missions de service public, il faut raisonner à partir des besoins du patient, de la qualité des soins, des délais.... Or, la place du privé - 35 % de l’offre de soins ! – le rend incontournable sur ces missions, que ce soit aux urgences, dans les dialyses, en chimiothérapie, en radiologie mais aussi sur la prise en charge des patients précaires ou la formation… Pour être clair, nous remplissons déjà ces missions de service public avec fierté. Il y a 2 millions de passages aux urgences dans le privé dont le quart chez Générale de Santé. Nous avons 58 postes de dialyse à Aulnay-sous-Bois, qui est le 1er centre en Île de France . À Trappes, on accueille 15 % de CMU… On ne comprendrait pas que, au nom de tel ou tel statut, certaines décisions puissent venir pénaliser les cliniques.
La fin annoncée du « tout T2A » est-elle une bonne nouvelle ?
L’idée de valoriser la qualité et le parcours coordonné dans la tarification nous convient parfaitement. Nous prêchons pour une vraie différenciation car le secteur privé a des réponses. Des indicateurs de qualité mesurables doivent permettre, au-delà de la co-morbidité ou de la co-mortalité, une évaluation des bonnes pratiques médicales, tels que le taux de reprise chirurgicale, ou le taux d’ambulatoire… Les délais sont aussi un critère. Aux urgences d’Antony, le temps moyen de prise en charge est de 17 minutes, ce n’est pas un hasard. J’espère que le privé sera au cœur de ces travaux sur la tarification.
À quoi ressemblera le secteur privé dans 10 ans ?
Sur le MCO, on va vers de grandes entités car les coûts fixes seront de plus en plus élevés. Il faut avoir les reins solides. Nos établissements de 200 à 250 lits, le plus souvent situés dans des grandes villes, nous semblent être le modèle du futur. Depuis dix ans, dans le privé, le nombre d’acteurs a baissé de 9 % contre seulement 2 % dans le public. Cela va continuer. Il y aura des fermetures, des regroupements, des fusions. Les petites cliniques, sauf à être hyperspécialisées, auront beaucoup de mal à investir et à se développer.
GDS a mis en place en 2012 une politique systématique de pôles territoriaux. Est-ce une façon de développer aussi la marque « Générale de Santé » et de renforcer son attractivité ?
Nos 19 pôles sont opérationnels. Il s’agit du regroupement, au sein d’un bassin territorial cohérent, d’établissements MCO et SSR dans la plupart des cas. Les projets médicaux de pôles ont été définis avec les médecins. Ils permettent d’identifier, dans chacun de ces territoires, les attentes prioritaires des patients, les taux de fuites, nos points forts, ce que font nos concurrents…
L’idée est de construire des filières d’excellence autour d’équipes pluridisciplinaires organisées. On a lancé la cancérologie avec des mesures phares, comme le numéro vert 24/24. On structure une démarche en orthopédie, à Paris et à Lyon, ou en urologie. On va s’attaquer à la robotique chirurgicale avec des équipes en Ile-de-France. On travaille sur la filière obésité/nutrition. Il y a aussi une réflexion engagée sur la prise en charge en chirurgie ambulatoire, qui représente 52 % des actes chirurgicaux chez nous.
À chaque fois, on réfléchit avec nos médecins. Quels sont les investissements ? Comment soutenir l’organisation pluridisciplinaire ? L’idée est aussi de construire des partenariats de confiance avec la médecine de ville pour la prise en charge du patient et le retour d’informations.
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