Accompagné de Catherine Vautrin, nouvelle ministre de la Santé, le Premier ministre Gabriel Attal s'est rendu au CHU de Dijon (Côte-d'Or), samedi 13 janvier. Le Premier ministre a souhaité rassurer les soignants, indiquant que « l’hôpital public est en haut de la pile » parmi ses priorités. Surtout, il a promis un investissement de 32 milliards d'euros supplémentaires pour le secteur de la santé dans les cinq ans à venir. Un chiffre très puissant qui a eu l’effet inverse de celui voulu.
Car plutôt que de calmer le secteur, cette annonce a ravivé l’inquiétude, voire la colère des soignants, qui n’ont pas manqué de le faire savoir au nouveau maître de Matignon. Que cachent ces 32 milliards d’euros ? D’où sort cette enveloppe ? Nouveauté ou effet d’annonce ?
Confrontées à l’incompréhension du monde de la santé, les équipes de Gabriel Attal ont dû rapidement reconnaître que ces 32 milliards correspondent « à la hausse du budget de la branche maladie qui a été adoptée dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale ».
Plus précisément, il s’agit de l’addition sur cinq ans de l’évolution de l’enveloppe dédiée aux dépenses de santé (l’Ondam) prévue dans la loi de programmation des finances publiques entre 2023 et 2027.
L’Association des maires de France est allée vérifier à la source les dires de Gabriel Attal. Et précise qu’on retrouve bien dans le texte de loi une augmentation des dépenses de santé de 30,4 milliards d’euros (et non 32 milliards), qui passent en cinq ans de 247,6 à 278 milliards d’euros. Et les représentants des élus locaux de rappeler qu'il ne s'agit pas que des dépenses liées à l'hôpital mais à l'ensemble du secteur sanitaire, médecine de ville incluse.
Vraie-fausse annonce
Sans surprise, cette vraie-fausse annonce a suscité des réactions dans le secteur et dans l’opposition. Le Pr Philippe Juvin, médecin hospitalier et député LR, a appelé sur BFM TV le gouvernement à « arrêter de nous raconter des histoires […]. Les Français doivent avoir confiance aux politiques. Et quand on annonce une dépense nouvelle qui n’existe pas, on trahit cette confiance ».
Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF) et maire Horizons Arnaud Robinet a jugé pour sa part sur France Info que le compte n’y est pas, d’autant plus que l’hôpital est aux abois. La FHF attend une compensation de l’inflation pour 2023 et une restitution d’environ 800 millions d’euros du fait d’une sous-exécution budgétaire en 2023.
« Cherchez l’erreur ou la tromperie ! », a jeté FO santé, pour qui le gouvernement devrait surtout cesser de « faire des économies par rapport à la croissance naturelle des dépenses de santé ».
Haut de la pile
Côté hospitaliers, sans surprise, ça crispe à tous les étages. Tandis que le Snphare a dénoncé un « bel effet d’annonce », Action praticiens hôpital (APH) a réclamé non pas « de la com’, mais du dialogue social », et « le détail des investissements, une feuille de route claire ».
Pas en reste, le Collectif inter-hôpitaux a fait le parallèle avec le Ségur de la Santé et ses 19 milliards d’euros, pour lequel « la répétition trompeuse de l’annonce des mêmes milliards a déjà été à l’œuvre ». « Eux aussi ont été annoncés trois fois et devaient couvrir pour une décennie les hausses salariales », se souvient l’association. Surtout, une partie du plan était consacrée à la reprise partielle de la dette hospitalière et à un effort d’investissement qui étaient déjà prévus.
La médecine libérale, sauveur de l’hôpital ?
Les médecins de ville ont trouvé là aussi une parfaite occasion d’exprimer leur agacement à l’idée que l’hôpital bénéficie une fois de plus des largesses du gouvernement. À ce titre, les Libéraux de santé (LDS) aimeraient bien que leur soit précisé le niveau des investissements prévu. La CSMF en a même profité pour ramener la couverture à la médecine libérale, qui « peut et doit être le sauveur » de l’hôpital public. Même si, reconnaît la centrale syndicale, « il serait imprudent d’imaginer que ces 32 milliards seront essentiellement dédiés à la médecine de ville et l’annonce faite sur le perron des urgences du CHU de Dijon est là pour nous le rappeler ».
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