L’hôpital public est-il toujours « un trésor » à préserver ? C’étaient les mots du Premier ministre lors de sa visite au CHU de Dijon le 15 janvier, affichant un peu rapidement une enveloppe supplémentaire de 32 milliards (en réalité des crédits déjà programmés pour l’hôpital et la ville). Mais mardi, le discours de politique générale a laissé les hospitaliers sur leur faim, beaucoup déplorant le service minimum de Gabriel Attal.
Résignation et colère
Le secteur se partage entre fatalisme et colère. Le Dr Jean-François Cibien, président de l’intersyndicale Action Praticiens Hôpital (APH) hausse le ton sur la situation très dégradée dans les établissements, rappelant que « des patients continuent de mourir sur des brancards ». Le témoignage, le 31 janvier sur RMC, d’une mère d’un jeune homme de 25 ans mort en septembre dernier après avoir passé dix heures sur un brancard, a illustré la réalité dramatique de certaines situations. « Nous sommes en train de crever la bouche ouverte. Si l’exécutif veut tuer l’hôpital, il n’a qu’à le dire clairement », lance le leader syndical, qui attendait une feuille de route ambitieuse.
Sur le plan budgétaire ensuite, l’exécutif n’a pas répondu aux revendications financières substantielles des fédérations hospitalières exprimées la veille du discours. « La situation des hôpitaux publics est plus dégradée que jamais », lance ce matin la FHF, en attente d’arbitrages rapides, et qui cite aussi le secteur médicosocial.
Si l’exécutif veut tuer l’hôpital, il n’a qu’à le dire clairement
Jean-François Cibien, président d’Action Praticiens Hôpital
Promesses non tenues ?
Près de quatre ans après le « Ségur de la santé » – sur le papier 19 milliards d'euros d'investissement, huit milliards d'euros par an pour revaloriser les métiers dans les établissements et les Ehpad sans oublier la promesse de 15 000 recrutements à l’hôpital – force est de constater que les hospitaliers n’ont pas vu leur quotidien s’améliorer, ou beaucoup trop lentement.
Dans ce contexte, la FHF comme certains syndicats de praticiens hospitaliers s’inquiète que le Premier ministre mette en avant… l’horizon de réduction des dépenses publiques. « La politique du rabot des années 2010 ne peut constituer une stratégie viable », lance le lobby hospitalier. Les promesses d’hier pour l’hôpital ne sont pas tenues, tacle aussi le Pr André Grimaldi, ancien chef de service de diabétologie à La Pitié-Salpêtrière (AP-HP), cofondateur du Mouvement de défense de l’hôpital public. « C’est bien de parler très haut mais si derrière il n’y a rien, cela apparaît comme une comédie », estime-t-il.
Sans doute le gouvernement se trouve-t-il dans une forme d’impasse, tenu de respecter la loi de programmation des finances publiques et ayant assumé la sortie du quoi qu’il en coûte. Difficile dans ces conditions d’annoncer de nouvelles dépenses publiques, alors que la France reste plus que jamais sous la surveillance des agences de notation.
« La France redevenue une colonie ? »
Plutôt que de se hasarder dans des annonces budgétaires profitant à l’hôpital, Gabriel Attal a donc préféré égrener des mesures symboliques, pouvant avoir un effet rapide. Ainsi des médecins étrangers que le Premier ministre veut régulariser en masse. Autre piste plus curieuse, celle d’un « émissaire » chargé de récupérer des praticiens à l’étranger, au risque là encore de décevoir. « La France est-elle redevenue une colonie ? », interroge le Dr Jean-François Cibien (APH). « Cette annonce est effrayante. On prend les médecins à l’étranger, mais pas les malades pauvres », analyse André Grimaldi. Même remarque de la Dr Anne Wernet, présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare), qui considère cette mesure comme « nauséabonde » et déplore que l’on aille « piller des pays qui n’ont eux-mêmes pas assez de médecins. La solution consisterait à ouvrir les vannes en mettant fin au concours de médecine hypersélectif ».
Gabriel Attal a aussi évoqué les nouvelles passerelles pour les paramédicaux vers les études de médecine afin de trouver de nouveaux renforts. Mais selon Anne Wernet, ce dispositif existe déjà et ne fonctionne pas, c’est donc « une fausse annonce ». « Un infirmier anesthésiste qui a déjà plusieurs années d’études à son compteur aura-t-il envie de suivre un parcours de six années d’études médicales supplémentaires ? », s’interroge-t-elle.
Quant à la réforme de l’aide médicale d’État (AME) que le Premier ministre veut faire passer par voie réglementaire « avant l’été », la méthode risque d’agacer les oppositions et une partie du secteur hospitalier, faute de débat suffisant. Lors de ses vœux le 29 janvier, Arnaud Robinet, président de la FHF a prévenu que la suppression de l’AME « pour la remplacer par une aide médicale d’urgence serait une faute sanitaire, éthique et budgétaire lourde de conséquences ».
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