C’est la soupe à la grimace du côté de la Fédération hospitalière de France (FHF). Selon son président, Arnaud Robinet, la progression du budget autorisé pour les établissements de santé (Ondam hospitalier) devrait être fixé à 3,1 %, soit une hausse d’environ 3,3 milliards d'euros qui serait inscrite dans le prochain budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2025), présenté en conseil des ministres jeudi 10 octobre.
Mais d’après la FHF, cette hausse budgétaire « en trompe-l’œil » n’en est pas une, notamment car elle pourrait comprendre 1,2 milliard d'euros de cotisations retraite du personnel hospitalier que le gouvernement entend programmer et imposer à la charge des hôpitaux (pour venir en aide au régime de retraite des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière – CNRACL). En prenant en considération cette requête, la progression de l'enveloppe des hôpitaux en 2025 ne serait plus que de 2,1 %, bien loin des 6 % que la FHF juge nécessaire. Pire, en ajoutant aux effets de la provision pour la retraite ceux de l’inflation, la croissance réelle autorisée des dépenses hospitalières pourrait être extrêmement limitée (autour de 0,2%, soit environ 200 millions d'euros).
« Si ce projet se confirme, les besoins de santé ne seront pas couverts. Le fonctionnement même de l’hôpital et du médico-social se trouverait mis en danger », tempête Arnaud Robinet. Le président de la FHF rappelle que la non-compensation de l’inflation se chiffre à 1,3 milliard d’euros « soit l’équivalent de plus de 20 000 équivalents temps plein (ETP) infirmiers ».
La FHF anticipe donc les effets délétères d’un tel Ondam trop serré sur le fonctionnement de l’hôpital public, en particulier sur les capacités d’hospitalisation et d’investissement. Un Ondam « insuffisant » fragiliserait des spécialités médicales comme la cardiologie, la neurologie, la rhumatologie et la médecine digestive, « qui sont les plus touchées par un sous-recours en matière de soin et un sous-financement », se désole la fédération.
Actes inutiles et hospitalisations évitables
Bien consciente des difficultés économiques, la FHF se dit prête à se retrousser les manches avec les autres acteurs. « Il faut une garantie de moyens à la hauteur des besoins de santé et le lancement de réformes de fond pour rendre le système de santé efficient pour tous », avance Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF.
Pour cela, l’organisation veut miser sur deux leviers. Le premier est celui de la pertinence des soins. La FHF propose ainsi de « supprimer » les actes non pertinents, voire inutiles, en réalisant « une analyse statistique fine par territoire de la réalité des actes prodigués ». « Nous pouvons le faire », insiste Zaynab Riet pour défendre cette mesure qui fait partie de l’arsenal traditionnel du lobby hospitalier.
Dans la même veine, la FHF (re)prend position sur la lutte contre les hospitalisations évitables, en particulier pour les personnes âgées. « 40 % des personnes hospitalisées à partir des urgences ont plus de 75 ans », ajoute Zaynab Riet. De fait, la FHF évoque plusieurs pistes comme la poursuite des efforts de présence médicale en Ehpad, le développement au domicile du dépistage des fragilités ou encore la réduction des passages évitables aux urgences grâce à des réponses plus « adaptées ». « Dans ce cadre, la pertinence dépend de la structuration de l’offre de soins et de la participation effective de l’ensemble des acteurs », précise la déléguée générale de la FHF.
La FHF défend également son expérimentation menée autour de la responsabilité populationnelle qui a porté ses fruits. Le dépistage et le suivi des diabétiques de type 2 pour éviter les ruptures de parcours ont par exemple permis depuis trois ans de réduire « d’un tiers les hospitalisations via des urgences et de moitié les longs séjours ». « C’est un succès qui pourrait être répliqué et organisé partout », suggère Zaynab Riet.
Plus de prévention dans la nomenclature des actes
La prévention reste selon la FHF le deuxième levier le plus efficace pour réduire les dépenses. Mais ce virage nécessite des « choix forts » pour par exemple « modifier la nomenclature des actes et intégrer la valorisation de la prévention et de l’éducation thérapeutique ». « Un gain d'une année de vie en bonne santé fait économiser 1,5 milliard d'euros à l'Assurance-maladie », justifie Zaynab Riet. Parmi les actions de prévention recommandées par la FHF : renforcement de la vaccination (bronchiolite, grippe) et des campagnes de dépistage, promotion de meilleures habitudes de vie comme, par exemple, la généralisation du Nutri-Score à tous les produits alimentaires.« 45 % des cancers sont évitables grâce à des changements de comportement », rappelle la FHF.
Comme beaucoup d’autres acteurs, la Fédération appelle le gouvernement à adopter de façon urgente « une loi de programmation pluriannuelle » qui donnerait une visibilité du financement des hôpitaux sur plusieurs années. Cet appel sera-t-il entendu ?
Tarifs hospitaliers 2025 : les DG de CHU « très préoccupés »
Alors que le déficit des 32 CHU risque d’avoisiner un milliard d’euros en 2024, la conférence des directeurs généraux de ses établissements appelle à ne pas les « fragiliser » davantage « dans la perspective du rééquilibrage des comptes publics ». « Rien ne serait pire qu’un retour à des solutions court-termistes dont les effets sont parfaitement connus, écrivent-ils. Le retour à une course à la productivité, via la baisse des tarifs hospitaliers, que nous avons connue avant la crise Covid, fragiliserait [le] rétablissement encore partiel » des CHU, qui se portent mieux côté activité et recrutement mais sont toujours convalescents. « L’attractivité de l’hôpital public et l’investissement s’en trouveraient immédiatement fragilisés et l’offre de soins serait à nouveau atteinte, alors que nos concitoyens appellent à son élargissement », exhortent les directeurs.
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