C'est un coup de semonce des médecins du secteur privé, à peine l'année commencée : alors que la cinquième vague déferle sur le pays – plus de 2 000 admissions hospitalières en 24 heures, 3 654 malades en soins critiques, selon les chiffres de Santé publique France lundi – les praticiens libéraux de la région Auvergne Rhône-Alpes (AuRA) mettent en cause le recours aux déprogrammations « totales » (hors urgences et cancérologie), imposé par les autorités.
Dans une lettre ouverte au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), les présidents de CME d'une vingtaine de cliniques et l'URPS médecins libéraux alertent ainsi sur l'efficacité des « injonctions de déprogrammations totales » en matière de prise en charge des patients Covid et non Covid.
Principe de précaution ?
Alors que cette consigne de déprogrammation totale est tombée fin décembre dans cette région, les praticiens libéraux signataires jugent que le seuil de déclenchement de cette mesure « brutale et autoritaire » est inadapté face à cette cinquième vague particulière.
De fait, si les contaminations liées au variant Omicron explosent, « les données de l'Institut Pasteur objectivent un impact moindre sur l'hospitalisation et, dans plus de 50 % des cas, moins sévères », relativise la lettre ouverte. Face au « principe de précaution » de l'ARS qui décide de déprogrammer, « on veut faire remonter les inquiétudes des médecins, anesthésistes-réanimateurs, chirurgiens libéraux dans ce contexte différent des précédentes vagues », résume le Dr Philippe Pradel, responsable de la commission « médecins en établissement » de l'URPS. Il précise que « 1 200 patients par jour » sont déjà concernés par les déprogrammations dans la région (tous établissements de santé confondus).
Les signataires font valoir que ces déprogrammations préventives totales « n'ont pas permis à ce jour de réallouer automatiquement » le personnel vers les hôpitaux publics et que le rôle de l'ARS est aussi de maintenir l'équilibre entre les activités et soins Covid et non-Covid.
La chirurgie ambulatoire sacrifiée ?
Les médecins patrons de CME illustrent cette stratégie « inadaptée », à leurs yeux, par le choix de déprogrammer la chirurgie ambulatoire. « Un pan entier de l'offre de soins est sacrifié avec un rendement très faible en termes de libération de personnel réellement efficace pour d'autres services », lit-on. Ils soulignent aussi que, depuis 2020, plusieurs conseils nationaux professionnels de spécialités (CNP) et sociétés savantes ont recommandé que toute réorganisation des soins puisse s'opérer « avec une moindre perte de chance pour les patients non-Covid lors des déprogrammations chirurgicales nécessaires ».
La lettre ouverte invoque l'« accès régalien à la santé » dont seront privés les patients qui subissent des reports ou des annulations de soins ou des déprogrammations opératoires répétées et ce, « alors que d'autres méthodes existent ». La question du suivi des patients chroniques se pose particulièrement. « L'impact médical de ces déprogrammations a été publié dans des revues internationales », insistent les représentants des médecins libéraux, qui citent une « qualité de vie altérée, une espérance de vie diminuée et des surcoûts importants », en termes d'arrêts de travail ou de prescriptions.
Dans ce contexte, les praticiens signataires demandent à être associés systématiquement aux décisions médicales qui les concernent, à côté des fédérations hospitalières et de l'ARS. Ils réclament la prise en compte des « spécificités de chaque territoire » et une coopération public/privé directe entre équipes médicales. « Il convient de privilégier une déprogrammation intelligente, plaide la lettre ouverte, et de cesser de considérer que les déprogrammations totales sont la solution à la pénurie de personnel, notamment lorsqu'il s'agit de réorienter du personnel vers les services de réanimation aux dépens de l'activité ambulatoire. »
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