« La réforme du système de santé ne se fera pas sans vous » : c'est l'engagement du ministre François Braun face à plusieurs centaines de directeurs d’hôpital (DH), réunis mi-mars pour leurs journées nationales à Paris. Revenant sur la crise protéiforme de l'hôpital, l'ancien urgentiste a affiché ses objectifs dont la remédicalisation de la gouvernance et la valorisation des carrières, avec la mobilisation des managers.
Le ministre a pointé à nouveau la « rigidité » des 35 heures, entrave au bon fonctionnement hospitalier. L'exécutif prépare une réorganisation du temps de travail, d'ici à l'été, afin de limiter les heures supplémentaires et donner davantage de stabilité aux plannings — l'idée étant de parvenir à des accords négociés sur ces évolutions. Côté finances, François Braun a réaffirmé sa volonté résolue d'en finir début avril avec le « cannibalisme médical » qui coûte 1,5 milliard aux hôpitaux. Le plafonnement des tarifs des intérimaires sera appliqué. « Les économies seront directement destinées à la revalorisation des praticiens hospitaliers », assure le ministre.
Un système moins résilient
Mais dans l'immédiat, la pénurie sans précédent de personnel (médical et paramédical), qui résulte de la crise d’attractivité, alimentée par la perte de sens des soignants, inquiète Ségur. « Cela a de graves conséquences en termes de résilience du système de santé, a admis le ministre. En cas de nouvelle pandémie, nous ne ferions pas face ». Une façon de reconnaître la nécessité de changer complètement de logiciel.
Pour le Pr Olivier Claris, chef de service de néonatologie à l'hôpital de la Croix-Rousse (HCL), « il est compliqué de parler de management à des directeurs qui ne savent même pas s’ils auront assez de médecins ou infirmiers pour passer la journée ». Le PU-PH appelle à une réhabilitation des services hospitaliers, parfois en mal de cadres de qualité. « Cela relève d’une compétence à part entière. On peut être un très bon médecin et un mauvais manager ! En binôme, le service marche mieux et gagne en attractivité », précise-t-il. La généralisation du tandem chef de service/cadre de santé s’inscrit dans la droite ligne du duo médecin/directeur, à la tête de chaque hôpital. Encore faut-il accompagner ces cadres avec des formations et des outils d'animation des collectifs de travail.
Multitâches
« La perte de sens découle en grande partie du sentiment de ne pas accomplir correctement ses tâches », a souligné Laurence Laignel, présidente de l’Association française des directeurs des soins (AFDS), lors des journées de l'ADH. La qualité des formations est une des causes, la pression horaire est un autre facteur aggravant. « Une infirmière qui a dix perfusions à poser dans la journée n’a plus le temps d’assurer correctement l’accueil ou de planifier l’après séjour, explique Laurence Laignel. C’est source d'une frustration qui, accumulée, peut précipiter un départ ».
Le recrutement d'infirmières régulatrices des parcours complexes de soins est un levier, tout comme l'embauche d’infirmières en pratique avancée (IPA) pour libérer du temps aux médecins. « Ils peuvent leur déléguer un certain nombre d’actes, comme les radios pour les chocs simples », illustre Laurence Laignel. François Braun se fixe l'objectif de 5 000 IPA en activité d'ici à fin 2024.
Mix financier
La simplification des relations pendant la pandémie, lorsque la bureaucratie hospitalière s'est effacée, est souvent évoquée avec nostalgie. « Pendant la crise Covid, chacun avait sa place, nous observions une fluidité d’action exceptionnelle », se souvient François Braun, qui invite les DH à s’appuyer sur les diagnostics territoriaux pour réorganiser la coordination des soins.
Enfin, la sortie annoncée du « tout T2A » au profit d'un nouveau mix financier à l'hôpital devrait permettre aux directeurs de tourner le dos à une forme de logique comptable, qui pousse aux injonctions contradictoires. Le Pr Franck Chauvin, PU-PH de santé publique, pointe à cet égard un système hospitalier basé sur une « course à l’activité ». D’après l’ancien président du Haut conseil de la santé publique, un virage résolu vers la prévention, promis par le gouvernement, ferait chuter les besoins hospitaliers. Un message d'espoir pour les directeurs ?
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