Alors que le rapport sur la gouvernance hospitalière commandé au Pr Olivier Claris (pédiatre aux HCL) et à Nadiège Baille (directrice générale du CHU de Dijon) est attendu pour la fin du mois d'avril, les trois conférences nationales de commission médicale d'établissement (CME) de CHU, CH et CHS avancent leurs pions et réclament, d'une même voix, que le rôle de président de CME soit enfin conforté et valorisé.
Et pour faire valoir leurs arguments face au chef de l'État qui avait, lors de ses vœux aux soignants, réclamé « un vrai tandem administratif et médical » à la tête des hôpitaux, les trois organisations ont publié mardi les résultats très mitigés d'une enquête de terrain réalisée en février et mars auprès, d'une part, des présidents de CME et, d'autre part, de l'ensemble des praticiens hospitaliers.
Un binôme qui ne fonctionne pas… pour l'instant
Les résultats sont sans appel : à peine 7,2 % des praticiens hospitaliers (sur plus de 6 000 répondants !) estiment aujourd'hui que le binôme directeur/président de CME fonctionne correctement. Ni les mesures du « Ségur de la santé » de juillet 2020, ni sa déclinaison législative ultérieure via la loi Rist de mars 2021 n'ont apporté les résultats escomptés en matière de médicalisation concrète de la gouvernance hospitalière.
Ainsi, la réhabilitation promise de l'échelon du service – largement réclamée par les communautés hospitalières – semble demeurer un vœu pieux : pour les deux tiers des PH, rien n'a changé et 22 % estiment même que la situation s'est dégradée.
S'agissant du renforcement promis du binôme chef de service/cadre de santé, c'est le statu quo pour 71 % des praticiens sondés. Ce n'est guère mieux concernant l'implication des praticiens dans les décisions de l’établissement. Ils sont 61 % à ne voir aucune différence et, pire, 27 % à ressentir une dégradation. Il y a par ailleurs peu de différences dans les réponses selon les types d'hôpitaux même si les praticiens des CHU sont un peu plus négatifs.
Débordements du temps de travail
Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que les candidats au poste de président de CME ne se bousculent pas au portillon. La majorité des 328 répondants exercent leur mandat pour la première fois : 56,3 % en CH, 64,1 % en CHS et 72,2 % en CHU. Sans surprise, plus l'établissement est gros, plus les présidents de CME ont suivi une formation à cette fonction (61 % de ceux des CHU versus 35 % en CHS). En moyenne, les présidents de CME consacrent 44 % de « leur temps de travail théorique à la fonction », et 12 % au fonctionnement du GHT, avec logiquement des différences significatives en fonction de la taille de l’établissement.
Mais surtout, cette fonction chronophage conduit à de gros débordements du temps de travail : 81 % des présidents de CME de CHU y passent du temps de leur week-end. Un engagement qui n'est pas reconnu à sa juste valeur par les établissements, même s'il semble y avoir du mieux par rapport à la dernière enquête de 2018. « Le temps moyen reconnu en CH en 2023 est de 30 % contre 22 % en 2018, peut-on lire. Toutefois, un nombre encore trop important d’établissements n’a aucun temps de reconnu à la fonction de PCME même si ce nombre est en baisse depuis 2018. »
Charte de gouvernance en berne
Une des nouveautés de la loi Rist était la mise en place d'une « charte de gouvernance », un dispositif jugé par les trois conférences « assez emblématique des mesures apportées par la nouvelle réglementation afin de mieux reconnaître le rôle et les moyens dédiés aux présidents de CME ». Hélas, seulement 37,5 % des présidents ont eu l'occasion de signer un tel document alors que ces chartes – quand elles existent – donnent plutôt satisfaction. Elles sont du reste beaucoup plus fréquentes dans les gros CH et les CHU, avec de grandes disparités régionales. Dans 10 % des cas, ni le DG ni le président de CME n'ont jugé utile ce dispositif.
En outre, le président de CME cosigne avec le directeur les documents dans 81 % des cas lorsque cela relève d'une décision conjointe réglementaire, une pratique qui s'effondre de moitié quand ce n'est pas obligatoire. Et concernant la construction des budgets hospitaliers, les CME ne sont associées que dans 30 % des cas : 39 % en CHU, 18 % en CHS et 32 % en CH…
Responsable de la stratégie médicale
Comme l'ensemble des PH, les présidents jugent donc les évolutions trop lentes. Seulement 7,1 % des établissements envisagent à cet égard la suppression des pôles. Ce taux est de 15,1 % dans les CH de plus petite taille et nul en CHU. En outre, « les taux de réalisation de la conduite du projet de management et de gouvernance (28,6 %), de la discussion sur l’organisation en pôles et services ainsi que la liberté d’organisation (31,4 %), les délégations accrues aux pôles (10,4 %), aux services (5,6 %) sont faibles », déplorent les trois conférences.
À la lumière de ces résultats, elles ont adressé au ministre de la Santé et à la mission Claris/Baille 12 propositions visant à donner davantage de poids au président de CME. Ce dernier devrait être « positionné comme le responsable de la stratégie médicale de l’établissement » et « le pilote hospitalier des coopérations territoriales », avec des moyens adaptés et un pouvoir de représentation de l’établissement. Pour cela, les patrons de CME réclament à la fois davantage de pouvoir de codécision, de temps, de moyens et de formation. Tout un programme.
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