En grève depuis janvier, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARe) soutient la journée d'action à l'hôpital qui a lieu ce mardi 15 juin. Entre un Ségur de la santé jugé toujours très insuffisant et un hôpital fragilisé par le manque d'attractivité et le sous-investissement, le Dr Emmanuelle Durand, vice-présidente du syndicat, anesthésiste-réanimateur au CHU de Reims, explique au « Quotidien » les ressorts de cette mobilisation qui dure.
LE QUOTIDIEN : Le SNPHARe participera demain, mardi 15 juin, à la journée d'action du monde hospitalier. Pourquoi ?
Dr EMMANUELLE DURAND : De longue date, le SNPHARe défend l'hôpital public et l'égalité d'accès aux soins dans les territoires. Donc il est normal pour nous de soutenir ce mouvement. Les revendications propres aux médecins sont les mêmes depuis plusieurs années. La charge et les conditions de travail deviennent de plus en plus difficiles, du fait du manque de personnel et de matériel, de la précarisation et du vieillissement de la population en France.
À un moment donné, il faut mettre en adéquation la difficulté du travail avec la reconnaissance. Celle-ci passe par une augmentation des effectifs notamment médicaux. Il y a plus de 40 % de postes vacants en anesthésie-réanimation, 30 % aux urgences, en psychiatrie et en radiologie. Les départs en retraite vont être massifs ! Il n'y a pas eu d'augmentation de la rémunération des praticiens hospitaliers depuis plus de 20 ans. Il y a une volonté de moins en moins cachée de fermer l'hôpital. En tout cas de le réduire à peau de chagrin.
Le Ségur de la santé n'a pas été à la hauteur selon vous ?
Ce sont des fausses mesures qui ont été prises. Le Ségur de la santé a procuré une réelle amélioration de rémunération pour les jeunes praticiens, les nouveaux nommés, ceux qui sont arrivés à partir de 2020. Mais cela ne concerne presque personne ! Tous les autres n'ont bénéficié de rien… Cette évolution ne permet pas de faire concurrence avec le privé qui offre des rémunérations jusqu'à trois ou quatre fois supérieures.
Les trois nouveaux échelons créés en fin de carrière concernent des gens presque à la retraite et qui avaient déjà un très bon niveau de vie. Il aurait fallu répartir cet effort salarial sur l'ensemble des praticiens hospitaliers. Au total, près de 30 000 médecins n'ont rien touché sur les 45 000 qui exercent à l'hôpital public.
J'ajoute que la question de la permanence des soins à l'hôpital n'a pas été traitée du tout. Il faut donc recruter des praticiens pour partager ce temps. Il faut reconnaître la pénibilité du travail du travail alterné jour/nuit dans le statut et l'inclure dans le calcul de la retraite. Et il faut pouvoir arrêter de faire des gardes après 50 ans.
Vous êtes officiellement en grève depuis le mois de janvier. Pourquoi ?
Oui, nous sommes en grève illimitée des soins urgents et non urgents depuis le 11 janvier. Au départ, l'objectif était de récupérer les quatre ans d'ancienneté qui nous ont été "volés" par le Ségur de la santé. Mais cette grève a été complètement cassée par la crise sanitaire et le manque de personnel. Elle ne se voit pas vraiment car nous sommes pieds et poings liés par la nécessité de soin à la population. Personne ne peut nous remplacer.
Le SNPHARe avait encouragé les praticiens hospitaliers à contester leur arrêté de reclassement dans la nouvelle grille de rémunération. Où en sont ces procédures et ces contentieux ?
Il y eut énormément de contestations adressées au Centre national de gestion [CNG]. Il s'agissait de recours gracieux. Au vu de ses moyens, le CNG n'a pas pu tous les traiter car il y en avait plus de 10 000 ! Donc, des recours ont été faits au tribunal administratif classique. Et pour l'instant, nous n'avons pas de retour. Un recours a été fait au Conseil d'État par l'intermédiaire de notre intersyndicale Action Praticiens Hôpital. Mais cela peut prendre des années.
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