Comment résoudre un conflit entre deux ou plusieurs personnes dans un environnement professionnel aussi complexe que l’hôpital public ? Cette thématique a été abordée lors du 76e congrès du Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS) le 19 septembre à Paris.
En 2023, la médiation nationale pour les personnels des établissements de la fonction publique hospitalière a pris en charge 413 conflits. Ce dispositif né en 2019, coordonne les dix médiations régionales existantes. C’est peu dire qu’il ne chôme pas.
À sa tête, on y trouve Danielle Toupillier. Cette dernière cite un conflit d’un hospitalo-universitaire qui a nécessité, pendant l’été, 76 entretiens dans un CHU.
Signalements en hausse continue
En 2020, le Centre national de gestion (CNG, qui gère les carrières des PH et des directeurs) a mis en place un mécanisme complémentaire pour les directeurs d’établissement, soit une plateforme de signalement des conditions d’exercice difficiles qui a traité 58 affaires en 2023 et qui monte en puissance. On compte déjà 60 affaires traitées fin septembre 2024.
Comme dans les autres secteurs, « nous vivons à l’hôpital des difficultés relationnelles, interpersonnelles, mais aussi professionnelles, qui se jouent en fonction des histoires personnelles », introduit Danielle Toupillier. Le volume de conflits (18 %) n’est pas plus important qu’ailleurs, où des taux peuvent atteindre près de 30 %. En vérité, à l’hôpital, les signalements sont en augmentation. Cela résulte de la libération de la parole fortement actionnée ces dernières années par les jeunes, notamment les internes. Ceux-ci « se sont rebiffés contre la maltraitance et l’humiliation », via notamment les réseaux sociaux, insiste Danielle Toupillier.
Des enjeux liés aux individus
Ces révélations ont contraint l’hôpital à réagir dans un contexte de tensions accrues par les pénuries de personnels. Les agents peuvent souffrir de la hiérarchie entre les différents corps de métier et faire l’objet de relations de pouvoir, d’obéissance ou d’intimidation en cas de conflit, avec des enjeux de reconnaissance. « La plupart des conflits ne relèvent pas des compétences, mais des individus », analyse Frédéric Spinhirny, directeur des affaires médicales du CHU de Tours, qui appelle à diffuser au sein des établissements une « certaine culture du contrôle des comportements ».
Déterminants pour déminer les conflits, les directions des ressources humaines, celles des soins ainsi que les cadres sont appelées à devenir des « modèles d’écoute des professionnels dans l’accompagnement des équipes », complète Monique Girard, cadre supérieure de pôle au CHU de Rouen et représentante de l’Association nationale des cadres de santé (Ancim). Côté médecins, l’objectif est d’inciter les chefs de service à identifier les discriminations et les violences sexistes et sexuelles et à repérer les praticiens ressources qui peuvent accompagner les directions sur la résolution de conflits.
La médiation pour désamorcer un conflit enkysté
Parfois ces dispositifs ne suffisent pas, surtout quand un conflit s’est enkysté depuis des années. C’est là qu’intervient la médiation conventionnelle qui permet à l’établissement de passer la main au médiateur. Ce dernier commence alors une série d’entretiens entre les personnes concernées et celles du service, voire d’autres services. L’objectif n’est pas de dégager une vérité, mais d’enquêter pour trouver des solutions de règlement du conflit. Plusieurs formes de médiation sont proposées, l’écoute active, la médiation préventive et celle de projet. Cette dernière intervient lors de projets de restructuration immobilière et de déménagement où bien des conflits peuvent surgir pour des questions de surfaces de bureau ou des éclairages.
Formation au mentorat et au coaching
Le CNG ayant pris conscience de ce mouvement de libération de la parole « se structure aussi pour apporter des réponses », explique Nadia Boulharouf, cheffe du département de gestion des directeurs de cette institution. Des webinaires sont régulièrement organisés, par exemple sur le management intergénérationnel. Outre des coachings déjà proposés systématiquement aux jeunes directeurs d’établissements lors de leur prise de fonction, le CNG a expérimenté le principe de mentorat en Nouvelle Aquitaine en 2022, en organisant neuf binômes de professionnels volontaires (directeurs et/ou praticiens), qui se sont rencontrés six fois (majoritairement à distance). Confiance et encouragement à poursuivre dans l’exercice pour les mentorés ; développement de l’écoute, contribution à l’épanouissement professionnel de ses pairs pour les mentors. L’exercice s’est révélé concluant.
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