Blouse blanche sur le dos et concert de casseroles, plusieurs dizaines de soignants ont interpellé Emmanuel Macron ce mardi 6 octobre à Paris alors qu'il sortait d'une visite dans une association d'aidants familiaux.
« Du fric pour l'hôpital public », réclamaient les personnels de l'hôpital Rothschild (AP-HP) situé de l'autre côté de la rue. « Je suis un fils d'hospitaliers, je n'ai pas envie de laisser tomber l'hôpital », leur a assuré le chef de l'État qui défend son bilan et notamment le Ségur de la santé. Signés il y a trois mois, ces accords actent la revalorisation de 183 euros net mensuels de tous les agents hospitaliers. Ce sont « des actes, pas que des mots », a vanté Emmanuel Macron.
Face à lui, les personnels mobilisés ont exprimé leur impatience alors que l'épidémie de Covid-19 connaît une nette reprise. « Il n'y a pas les renforts, mais il y a les patients », a critiqué une infirmière. « L'attraction n'est pas là », a regretté un autre soignant de l'hôpital Rothschild. « Ce n'est pas qu'une question de moyens, c'est une question d'organisation, a tenté d'expliquer le président de la République, on est tous mobilisés. » « J'entends les colères de ceux qui disent que ça ne va pas assez vite », reconnaît toutefois Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron: "On va tous y arriver, je ne veux pas laisser tomber l'hôpital" pic.twitter.com/RNeSkGwkex
— BFMTV (@BFMTV) October 6, 2020
Le collectif inter-hôpitaux reprend la rue
Le collectif inter-hôpitaux aussi prendra la rue le 15 octobre à l'occasion de la prochaine grande journée de grève des personnels soignants organisée par plusieurs syndicats. Le Ségur de la santé « laisse un goût amer, la grande messe n'a jamais abordé les problèmes de fond de l'hôpital », a déclaré le Pr Jean-Luc Jouve lors d'une conférence de presse qui s'est également tenue mardi. À propos de la reprise épidémique, le chef d'un service d'orthopédie pédiatrique à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) juge que « cette deuxième vague vient montrer à quel point les enseignements de la pandémie n’ont rien suscité de constructif de la part nos gouvernants ». « Le modèle de l’hôpital public français est en voie de disparition », assène-t-il.
Le CIH alerte sur la pénurie de soignants que connaît l'hôpital public. « Le taux de vacance statutaire des praticiens hospitaliers à temps plein a progressé de manière constante en 10 ans, un quart des postes n’est pas pourvu, la moitié pour les praticiens à temps partiel », avance le Dr Anne Gervais s'appuyant sur des chiffres du Centre national de gestion (CNG). Elle dénonce en outre un turn-over important chez les paramédicaux qui délaisseraient l'hôpital public « après 5 à 7 ans d'activité ». La gastro-entérologue et hépatologue de Bichat (AP-HP) exprime par ailleurs son agacement de n'être pas associée à la mise en place des mesures du Ségur concernant l'investissement, la gouvernance et les territoires.
Pourtant, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 avance des masses historiques après la crise sanitaire. Pas moins de 19 milliards d'euros sont crédités dont 13 destinés à la reprise de dette hospitalière. Parmi les 6 milliards restants, 2,5 sont fléchés vers les projets hospitaliers prioritaires, 1,5 vers les établissements sociaux et médico-sociaux et 2 pour le numérique en santé. Par ailleurs, une grande réforme de la tarification hospitalière est engagée avec notamment l'expérimentation du financement populationnel.
Pas suffisant pour la praticienne qui tance un objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) « qui n'a jamais été aussi faible ». « Nous allons devoir faire un milliard d'économies en 2021, on est bien loin du "quoi qu'il en coûte" d'Emmanuel Macron », accuse-t-elle.
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