Les 38 hôpitaux du réseau de l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP-HP) tournent au ralenti depuis le samedi 3 août. Une panne informatique – provoquée par une défaillance chez un prestataire en charge d’une partie des serveurs du groupe hospitalier – a considérablement troublé le fonctionnement des établissements ce week-end.
Survenue en fin de matinée samedi, la panne « sans lien avec une attaque cyber ou un sabotage », a affecté « l’accès à internet, la messagerie, la téléphonie et les connexions entre le data center et le réseau interne de [l’AP-HP] », a communiqué le CHU dimanche 4 août. « Cette coupure électrique, qui a duré environ 3 heures, a (…) causé de multiples impacts sur nos infrastructures, nos systèmes d’information et nos applications », est-il encore précisé.
Planning pas mis à jour
L’établissement, qui s’est fendu, ce lundi matin vers 10 heures, d’un troisième communiqué (en moins de 48 heures), assure à ce stade que « les travaux de rétablissement des réseaux ont permis de relancer au cours de la nuit dernière [les] principales applications médicales qui avaient été perturbées (…). Les travaux techniques se poursuivent et devraient permettre d’assurer un rétablissement complet du réseau et de l’ensemble des applications utilisées d’ici la fin de journée ».
Emile*, interne de chirurgie plastique et reconstructrice à l’hôpital Avicenne (Bobigny), de retour au travail ce lundi matin, n’a déploré aucun souci majeur depuis sa reprise. « Ce matin, quand je suis revenu, tout fonctionnait bien. J’ai pu faire les blocs tranquillement, faire les prescriptions et voir les dossiers de mes patients », témoigne-t-il.
En revanche, son accès au logiciel Orbis (nécessaire pour consulter son planning hebdomadaire, ses dossiers et ses rendez-vous) est resté bloqué tout le week-end. « Je n’ai pas pu consulter mon emploi du temps. Je me suis donc fondé sur le dernier planning qui avait été fait. Malheureusement, il n’était pas à jour et certains rendez-vous ont été planifiés à lundi matin sans que je le sache ! Je suis donc arrivé en retard au bloc et certains de mes patients ont attendu près d’une heure », regrette-t-il. Ne pouvant attendre davantage, l’un d’entre eux a même quitté les lieux.
Sans conséquence pour les patients ?
Dans ses différentes communications, l’AP-HP assure pourtant qu’aucune « rupture » dans la prise en charge des patients hospitalisés ni limitation de l’accès à ses services ne sont à déplorer.
Sur les réseaux, de nombreux médecins sont très critiques à l’égard de la gestion de cette panne. « Il est irresponsable de dire qu'un établissement qui perd brutalement tous ses accès aux dossiers et données patients ainsi que les moyens de les gérer autrement qu'en mode dégradé et partiel n'a aucun impact sur la sécurité et la continuité des soins », déplore ainsi le Dr David Beausire sur X (ex-Twitter).
Si David*, interne en anesthésie-réanimation à Lariboisière, n’était pas en poste au moment de l’incident, il craint les conséquences d’un tel événement sur les futures prises en charge. « Ce week-end, tout s’est fait en mode dégradé. Les médecins ont été obligés de passer au 100 % papier pour les prescriptions et les examens biologiques. La situation s’est depuis plus ou moins rétablie mais ce lundi, il y avait encore une partie des examens biologiques inaccessibles, déplore-t-il. Même s’il est difficile d’évaluer si tout ça aura un impact sur la prise en charge des patients, on sait bien que lorsqu’on passe au 100 % papier, il y a forcément des prescriptions ou des examens biologiques qui se perdent avec des conséquences réelles pour les patients. »
Si, pour l’instant, aucune évaluation n’est prévue pour objectiver les conséquences de cette panne sur les prises en charge, dans les couloirs de l’AP-HP, les rumeurs vont bon train. Et plusieurs médecins émettent de sérieux doutes quant à l’origine de l’incident.
« Vu le timing [en pleine période des JO et un samedi en milieu de journée], on a du mal à croire à la panne informatique, réagit un médecin anesthésiste de l’hôpital Necker. Tout ça fait plutôt penser à ce que l’on redoutait tous : la cyber-attaque. Ça ressemble étrangement à celle de l’hôpital de Versailles. Mais difficile de savoir si l’AP-HP fait de la rétention d’information pour ne pas faire paniquer les gens ou s’ils n’en savent vraiment rien. » Affaire à suivre.
* Les prénoms ont été modifiés
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