La situation financière des hôpitaux publics n'est plus « tenable », alarme la Cour des comptes dans un nouveau rapport accablant qui se penche sur la gestion des aides accordées aux établissements publics pendant la crise sanitaire, qualifiées sans détour de « saupoudrage ».
À la veille de l’épidémie, la situation financière globale des hôpitaux est déjà fortement dégradée, avec des pertes récurrentes (558 millions d'euros en 2019). Un tiers des hôpitaux est dans une situation financière satisfaisante, un deuxième tiers rencontre des difficultés limitées et le dernier tiers est en « crise profonde ».
Si le gouvernement a déployé, dès mars 2020, des « dispositifs exceptionnels » de soutiens financiers, le président de la Cour, Pierre Moscovici, déplore « le manque de pilotage et de contrôle de ces montants ». Car ceux-ci n’ont « pas toujours été alloués là où les soins étaient les plus importants ». De plus, l’impact à moyen terme des revalorisations salariales du plan Ségur de la santé sur les équilibres financiers des hôpitaux publics demeure « un sujet d’attention ».
Spirale de la dette
Sur une enveloppe globale de 15,5 milliards d'euros, 6,5 milliards d’euros devaient, en théorie, être alloués au désendettement des établissements les plus dans le rouge. Mais le gouvernement a décidé de « saupoudrer le versement au plus grand nombre, plutôt que de le concentrer sur les établissements les plus en difficulté », observe Pierre Moscovici. La ventilation des aides a donné lieu à « des biais importants, des répartitions non homogènes sur les territoires ». Conséquence : le montant alloué au désendettement de certains hôpitaux était parfois « supérieur à leur dette ». Enfin, ces aides n’ont pas toujours débouché sur une réduction des dépenses courantes et une amélioration des services. Raison pour laquelle la Cour recommande de conditionner le versement du reliquat aux établissements les plus en difficultés.
Les sages ont également constaté des « biais similaires » dans le déploiement des neuf milliards d’euros consacrés à l'investissement d'ici à 2029. Comme ce fut déjà le cas dans les plans précédents (plan hôpital 2007 et 2012), le nombre de projets sélectionnés (plus de 800) par les ARS est « trop élevé » et « les taux d'aides par projet sont trop faibles ». Ces aides sont elles aussi « saupoudrées », fustige Pierre Moscovici.
Si cette tendance venait à se poursuivre, cela contraindrait les hôpitaux publics à « devoir de nouveau s'endetter », estime le président de la Cour qui craint une « nouvelle dérive de leur situation financière », dans le contexte d’augmentation des coûts de construction et de hausse des coûts d’intérêt. À l’avenir, les sages jugent « indispensable» de revoir la stratégie de programmation des projets d’investissement, « en priorisant les projets ou en échelonnant leur mise en œuvre ». Quant aux efforts de rationalisation financière, ils devront être demandés, en priorité, aux établissements les plus déficitaires.
L'alerte de la Cour des comptes intervient en plein débat sur le budget de la Sécurité sociale à l'Assemblée. Face au mécontentement des parlementaires et des fédérations hospitalières à la lecture de l'objectif de dépenses pour 2024 (Ondam hospitalier), le gouvernement a annoncé la semaine dernière qu'il ré-examinera d'ici la fin de l'année la situation financière des hôpitaux et des cliniques.
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