Le 5 juillet, cela fera exactement cinq ans que la ministre de la Santé d'alors, Marisol Touraine, inaugurait les 135 groupements hospitaliers de territoire (GHT). L'objectif était double : accroître l’efficacité de l’offre de soins hospitalière publique, grâce à une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient, afin d’assurer une égalité d’accès à des soins de qualité ; et rechercher une rationalisation des modes de gestion par une mutualisation des fonctions ou des transferts d’activités entre établissements.
Au terme de ce « quinquennat », cette réforme a-t-elle marqué des points chez les médecins hospitaliers ? Dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle des lois Sécu (MECSS), plusieurs députés experts ont interrogé les représentants des présidents de commissions médicales d'établissement (CME), acteurs centraux du développement des GHT. Et leur verdict est mitigé : s'il n'est pas question de remettre en cause ce mode de coopération – issu de la loi Touraine de 2016 – plusieurs points méritent une amélioration.
20 % des périmètres à revoir
Cinq ans après, la question centrale du périmètre des GHT reste un « sujet lancinant », souligne le Dr Thierry Godeau, président de la conférence des présidents de CME de centre hospitalier (CH). « On pense qu'il faut revoir environ 20 % des périmètres », avance l'endocrinologue de La Rochelle.
Selon le ministère de la Santé, la taille des GHT varie de deux à 20 établissements – sur des territoires allant de 100 000 à 2,5 millions d'habitants, et pour une masse budgétaire qui s'étend de 100 millions à plus de 2 milliards d'euros pour les plus importants ! Dans son rapport d'octobre 2020, la Cour des comptes relevait que « l’hétérogénéité des GHT, en matière de taille et de moyens », ne leur permet pas d’apporter une réponse suffisante à la question de l’égal accès aux soins entre territoires.
Si cette hétérogénéité ne choque pas le Dr Thierry Godeau, celui-ci appelle toutefois à redessiner les contours de certains groupements. « On ne peut pas édicter de règle précise car il existe autant de règles que de territoires », remarque-t-il. Mais le praticien avance une échelle « de 300 000 à 500 000 habitants » qui correspondrait à la masse idéale permettant de concrétiser le concept de « responsabilité populationnelle ».
Pour le Pr François-René Pruvot, seulement « 5 ou 6 GHT en France posent un réel problème de fonctionnement par leur périmètre ». Certains pour des raisons politiques, d'autres pour des questions de projet médical partagé (PMP). Mais le patron de la conférence des présidents de CME de CHU refuse tout redécoupage dogmatique. « Il ne faut pas qu'il y ait de GHT forcés », la réalité des coopérations doit venir des acteurs de terrain. Selon le chirurgien de Lille, « il est illusoire » de vouloir redessiner le périmètre des GHT. Le PU-PH propose plutôt de « contourner le problème en superposant d'autres notions de territoire fonctionnel comme celui de la gradation des soins ou celui du numérique ». Un moyen « d'imposer aux mauvais GHT » une nouvelle voie plus vertueuse.
Exister face aux directeurs
La question de la place réelle des médecins au sein de la gouvernance des GHT est un autre sujet central, plus urgent à régler. « Nous en avons fini avec l'an I des GHT qui était celui de la mise en commun », synthétise le Pr Pruvot, au nom des CME de CHU. Désormais, l'heure est à la remédicalisation des instances de décision face au « dispositif corporatiste et hiérarchique des directeurs ».
Fin mai, deux décrets en ce sens ont été publiés pour une entrée en vigueur en 2022. Le premier définit le fonctionnement et les compétences de la fameuse « commission médicale de groupement » (CMG). Cette nouvelle instance « élabore » le projet médical partagé avec les équipes médicales concernées par chaque filière et sera aussi « consultée » sur toutes les décisions à l'échelle du territoire – création de pôles inter-établissements, permanence et continuité des soins, projet social et managérial du groupement, recherche, pertinence des soins, etc.). Signe de la médicalisation de la gouvernance, cette CMG sera composée des présidents des CME des établissements « parties », des chefs de pôle d'activité clinique et médico-technique, du médecin responsable du département de l'information médicale (DIM) de territoire ou encore de représentants des personnels médicaux, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques. En clair, les voix médicales ne manqueront pas. Le second décret précise les attributions des présidents de ces futures « super CME », qui présenteront le bilan de mise en œuvre du projet médical partagé.
Autant d'avancées plutôt saluées par la profession, en attendant de juger sur pièces la répartition des rôles. Car le Dr Thierry Godeau attend une clarification des missions confiées au « comité stratégique », cette instance décisionnelle présidée par le directeur de l'établissement support. Les décrets parus lui donnent un rôle primordial notamment pour arrêter le projet médical partagé. Représentants des praticiens, directeurs : qui aura le leadership médical ? « Cela ne me semble pas très clair, met en garde le praticien rochelais. Et si les acteurs ne se retrouvent pas dans la gouvernance du GHT, ils auront du mal à se l'approprier »
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