De la dynamite et de la dentelle. C’est ce que réclament Véronique Guillotin et Annick Jacquemet dans leur rapport sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale. Missionnées par le groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), les deux sénatrices centristes ont présenté les conclusions de leurs travaux mi-septembre, écartant le recours à des seuils d’activité et réclamant un encadrement médical renforcé des audits par bassin de naissances.
« Lent pourrissement de la situation » depuis trente ans, « réorganisation subie par les professionnels de santé », « lâche abandon » de la santé périnatale par les politiques… Les élues n’ont pas de mots assez durs pour décrire la crise que traverse le secteur, dont la conséquence la plus criante se retrouve dans le « décrochage » de la France par rapport à ses voisins européens sur les principaux indicateurs de santé publique. L’Hexagone se classe 20e sur 28 concernant les taux de mortinatalité (enfants nés sans vie) et 22e s’agissant des taux de mortalité infantile (enfants décédés dans leur première année de vie).
Territoire par territoire
Face à ce constat « préoccupant », les sénatrices proposent des pistes pour revoir l’organisation de la santé périnatale. Mais pas question de reconstruire sur un sol aussi meuble. Autant recoudre intégralement, territoire par territoire, la carte de l’offre de la périnatalité. Toute la question reste de savoir comment. De fait, 40 % des maternités ont mis la clé sous la porte en trente ans. Celles ne disposant pas de service de néonatalogie (de type 1) ont vu leur nombre divisé par trois. Faut-il pousser cette logique ou faire machine arrière ? Dans un cas comme dans l’autre, quels critères adopter ?
Le principe de seuil d’activité est contre-productif, c’est un couperet aveugle pour les maternités
Véronique Guillotin, sénatrice RDSE de Meurthe-et-Moselle
Décrets de 1998 dépassés
Les élues l’affirment : l’avenir des 464 maternités ouvertes ne doit pas dépendre de leur seuil d’activité. Le décret de périnatalité de 1998 prévoit un minimum de 300 accouchements par an pour conserver une autorisation d’activité, même si des dérogations existent. En 2022, la Drees (ministère de la Santé) avait comptabilisé 55 structures réalisant moins de 500 accouchements par an. Doit-on forcément fermer les plus fragiles ? La réponse est non pour les sénatrices, qui insistent sur les effets collatéraux « déstabilisateurs » de fermetures brutales, en particulier sur l’accès aux autres activités (IVG, PMA, suivi pré- et post-accouchement). « Le principe de seuil d’activité est contre-productif, insiste Véronique Guillotin. C’est un couperet aveugle pour les maternités. »
Aux seuils, les sénatrices préfèrent les ratios. Sans donner de chiffres précis, elles recommandent de publier, d’ici à 2025, une révision des décrets de 1998 afin de « renforcer » les taux d’encadrement et de prévoir un ratio minimal d’un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances. C’est en suivant cette logique que des arbitrages locaux doivent être faits, en cherchant à muscler les structures de types 2 et 3 (avec néonatalogie pour le type 2 et également réa-néonatale pour le type 3) « pour assurer la robustesse du réseau » et y concentrer les accouchements. Dès lors, une « rationalisation » des plateaux techniques « apparaît souhaitable et inévitable », tout en conservant « une offre de proximité garantissant un suivi prénatal et postnatal immédiat sur le territoire ».
Pour une charge de garde acceptable
Qui dit renfort des effectifs dit nécessité de former mieux et en plus grand nombre paramédicaux et médecins. Le temps presse. Entre janvier 2023 et mars 2024, 33 maternités ont été concernées par des suspensions (avec une moyenne de 3,4 jours) ou des fermetures. Tous les établissements ont fait état de difficultés RH, dont 48 % concernant des anesthésistes-réanimateurs, 19 % des pédiatres et 14 % des gynécologues-obstétriciens.
Sur le papier, les décrets de 1998 fixent les catégories de personnels requis, leur nombre et leur modalité d’exercice (sur place ou d’astreinte) selon les types d’activités et le nombre d’actes par an. Mais dans les faits, souligne Annick Jacquemet, la continuité des soins réclame cinq professionnels : un obstétricien, un pédiatre, un anesthésiste-réanimateur, une sage-femme et un infirmier. Entre nécessité de maintenir une offre de proximité et obligation de sécurité, c’est sur cette base que les décrets de 1998, « dépassés », doivent évoluer. Sans oublier « la charge de garde acceptable et l’aspiration générale des jeunes soignantes et soignants à obtenir un meilleur équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle, [qui] sont des paramètres désormais essentiels dans leur choix de carrière ». Les simples remplacements poste par poste à chaque départ en retraite ne sont plus en adéquation avec la réalité du terrain.
Les sénatrices entendent défendre leur rapport à Matignon et au ministère de la Santé. Il y a urgence, insistent-elles : « Faute d’arbitrages, de volonté ou de courage politique, ce sujet a été par trop délaissé ».
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