Des mesures urgentes doivent être prises pour « restaurer l’ensemble de notre système de santé, la ville et l’hôpital », mettent en garde, dans un courrier adressé à Emmanuel Macron, les principaux représentants de la communauté hospitalière et hospitalo-universitaire – la Fédération hospitalière de France (FHF), les Conférences des présidents de CME de CHU, CH et CHS, la Conférence des DG de CHU, la Conférence des directeurs de CH et celle des doyens de facultés de médecine.
À la fois alarmiste et ambitieuse, la lettre ébauche des propositions concrètes pour assurer la continuité et la permanence de soins, refonder l’organisation du système de santé, tout en militant sur « une approche rénovée en matière de santé publique ». Rédigée uniquement par des hospitaliers, elle a immédiatement déclenché la colère des représentants de libéraux, notamment sur Twitter.
Les signataires de la lettre estiment ainsi que le système de santé pourrait connaître rapidement de « graves carences si des réponses fortes ne sont pas apportées dans les plus brefs délais ». La première urgence est, selon eux, de prendre, sans attendre les conclusions de la « mission flash », de « véritables mesures de sauvegarde pour permettre à l’hôpital public de tenir partout » jusqu’à septembre.
Responsabilité partagée des acteurs
Pour garantir la permanence des soins dans les territoires, ils exigent l’adoption de plans de continuité des soins sous l’égide des agences régionales de santé (ARS), avec une obligation de transparence sur les prévisions de fermetures ou de réduction des capacités de prise en charge de tous les acteurs (hôpitaux, cliniques, cabinets médicaux, maisons et centres de santé). Les contraintes de continuité de l’activité doivent « peser équitablement entre tous les acteurs » du système de santé, poursuivent les signataires.
Tout cela nécessitera le déblocage « immédiat » de crédits pour financer la réactivation des dispositifs de majoration des rémunérations utilisés pendant la crise Covid (heures supplémentaires, temps de travail additionnel, indemnité pour congés non pris). Autres exigences, la revalorisation des gardes et des astreintes et la prolongation jusqu’à la fin de l’année de la garantie de financement pour les hôpitaux publics.
Les représentants du monde hospitalier invitent également le président de la République à définir une « méthode de transformation » du système de santé sur cinq ans, seul moyen d’ériger « au rang de priorité » la santé et l’autonomie tout au long de la prochaine législature. Il faudra préciser des « objectifs clairs » adossés à des priorités de santé publique, faire évoluer les modes de financement ou encore définir un cadre annuel pour évaluer les politiques de santé (nombre de soignants à former et à recruter en fonction des besoins de santé, etc.), estiment-ils.
Réguler l'installation
La deuxième urgence est de « refonder nos organisations de soins à l’échelle du territoire », lors de la future Conférence des parties prenantes annoncée par Emmanuel Macron. Les auteurs du courrier appellent à de « réelles transformations ». Pour garantir la prise en charge des soins non programmés sur l’ensemble du territoire, ils proposent d’organiser « conjointement » les permanences des soins en établissement (PDSES) et en ville (PDSA). Selon eux, les praticiens (hospitaliers et libéraux) devraient « concourir à une obligation collective de résultat en matière de gestion des soins non programmés en journée et de permanence des soins en ville ou à l’hôpital », dans le cadre d’une négociation territoriale.
Pour résoudre la crise des vocations, les rémunérations doivent être revues, ce qui passera par une revalorisation des « contraintes exorbitantes qui pèsent sur les hospitaliers », telles que les gardes et astreintes, le temps de travail additionnel, les nuits, week-ends et jours fériés. Autres propositions : réduire les écarts de rémunérations entre le secteur public et privé lucratif, et revaloriser « significativement » les infirmiers en pratique avancée (IPA). Enfin, pour faire face aux problématiques des déserts médicaux, les signataires exigent « une régulation de l’installation des professionnels dans les zones surdenses », en fonction d’un référentiel « à déterminer ».
Ce sont ces mesures sur la permanence des soins et surtout sur la régulation à l'installation qui ont fortement agacé de nombreux médecins libéraux, qui ont réagi sur Twitter. Parmi ceux-ci, le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML, a qualifié l'idée de « ridicule », en taclant au passage le président de la FHF Frédéric Valletoux.
Le monsieur dirige la FHF depuis 2011 soit 11 ans il est donc co-responsable de la crise, la décence demanderait qu’il se taise…une fois de plus il prone la regulation de l’installation des libéraux dans les zones surdenses (nous ne savions pas qu il y en avait) . Bref ridicule. pic.twitter.com/2yKlIqniCd
— DrMartyUFML-S (@Drmartyufml) June 9, 2022
Le généraliste et directeur du département de médecine générale de l'université de Lille Matthieu Calafiore y voit de son côté une énième illustration de l'adage « diviser pour mieux régner ».
Les généralistes, ces grosses faignasses qu'on va forcer à retourner au travail. Postulat décrété par ceux qui n'ont jamais foutu les pieds en ville. Épisode trouzemille... https://t.co/9XQz47c0C4
— Calafiore Matthieu ?? (@Matt_Calafiore) June 9, 2022
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