Le Pr Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement (CME) de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) s’inquiète d’un possible débordement des services de réanimation d’Île-de-France. Dans un entretien au « Quotidien », il appelle le gouvernement à renforcer les mesures de restrictions pour faire baisser la pression épidémique.
LE QUOTIDIEN : On observe aujourd’hui même plus de 100 % de tension dans les services de réanimation d’Île-de-France. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Pr RÉMI SALOMON : Ça veut dire que le nombre de lits disponibles diminue de jour en jour. Il y a actuellement 390 patients Covid en réanimation à l’AP-HP et plus de 1 100 sur l’ensemble de l’Île-de-France. On commence à ouvrir des unités hors les murs. Mais les choses se font de manière progressive contrairement à la première vague. Pour le moment, le tempo est plus lent et nous laisse le temps de nous organiser.
Le gouvernement a fait le pari que ça passerait avec un peu de déprogrammations et un peu d’évacuations sanitaires. On n’est pas encore dans une situation de débordement mais notre grande crainte c’est que tout cela ne suffise pas. C’est sans compter le fait que les équipes sont fatiguées et les renforts difficiles à trouver. Tout peut se compliquer très vite.
Quel scénario envisagez-vous pour les jours à venir ?
Tout dépendra de l’intensité de la pression en réanimation. Les modélisations, qui se sont révélées plutôt assez justes jusqu’à présent, nous montrent des montées qui pourraient être assez fortes. On déprogramme de plus en plus. On est passé de 10 ou 15 % jusque-là à environ 30 % aujourd’hui.
On se prépare à mobiliser des équipes : infirmiers, aides-soignants, médecins… On envisage aussi de refaire appel à des élèves infirmiers et des étudiants en médecine comme cela avait été le cas au printemps. Ce qui est plus compliqué cette fois, c’est que le reste de l’activité va rester très soutenu même si l’on déprogramme. Cela va aussi dépendre des mesures de restrictions qui seront prises.
Jugez-vous utile un reconfinement de la population ?
Il est évident que s’il n’y a pas de restrictions significativement plus importantes, on n’arrivera pas à diminuer la pression sur les hôpitaux. Le risque, c’est de faire durer la troisième vague beaucoup plus longtemps. On pourrait se retrouver, d’ici un mois et demi ou deux, sur un plateau toujours très haut.
Mais je m’interroge sur l’acceptabilité d’un nouveau confinement strict, comme il y a un an. La question clé pour le pouvoir aujourd’hui, c’est de savoir jusqu’où les gens sont prêts à aller. Je crains qu’un confinement le week-end ne suffise pas. Mais beaucoup de mesures intermédiaires peuvent se concevoir. Il faut beaucoup plus de télétravail et empêcher que les gens se rencontrent en dehors du cercle familial quotidien.
Dans l’éducation, il faut réduire le nombre d’élèves dans les classes et organiser des repas plus distanciés. On peut aussi imaginer une fermeture pour un mois des collèges et des lycées où les contaminations sont plus nombreuses qu’à l’école.
Le gouvernement mise aussi sur les évacuations sanitaires. Qu’en pensez-vous ?
Il y a eu très peu d’évacuations sanitaires pour le moment. Et notre sentiment c’est qu’on ne pourra de toute manière pas en faire beaucoup. Pour faire un transfert, il faut des critères très précis. Il s’agit de patients en réanimation pas trop graves car ils ne sont pas transportables. Mais suffisamment graves quand même pour ne pas sortir de réanimation deux jours après. En troisième lieu, il faut bien entendu que les familles acceptent. Il y a finalement un très petit créneau. Pour le moment cette solution semble donc assez limitée. Maintenant, si ça déborde vraiment, on le fera avec des critères peut-être un peu élargis.
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