C’est une vraie embellie sur le plan des ressources humaines : en 2023, les hôpitaux universitaires de Marseille (AP-HM) ont recruté près de 1 430 professionnels sur environ 15 000 permanents – dont 2 500 médecins et 12 500 à 13 000 personnels paramédicaux. « La reconstitution de ses équipes fait que, fin 2023, les capacités d’hospitalisation et de prise en charge au bloc opératoire de l’AP sont redevenues les mêmes qu’avant la crise du Covid », s’est réjoui François Crémieux, le directeur général lors d’une conférence de presse sur le bilan annuel de l’AP-HM. Mais le CHU reste très convalescent. « Il aura fallu presque deux ans pour retrouver des équipes stables et une activité sereine », nuance le DG. « On prend comme référentiel l’année 2019, avant la crise du Covid mais il faut rappeler qu’en 2019, l’hôpital public était déjà en crise profonde », recadre Pr Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale d’établissement (CME) de l’AP-HM.
Aux urgences, dynamisme des équipes
Parmi ces nouvelles recrues, une cinquantaine de médecins ont été embauchés en partie pour développer certaines activités comme l’assistance médicale à la procréation (AMP). À l’été 2022, les services d’urgences étaient aussi en grande difficulté avec, au plus bas, 18 séniors en équivalent temps plein (ETP) à la Timone. Aujourd’hui, ils sont 10 de plus avec de nouvelles arrivées, prévues en 2024. « Ces résultats indiquent un dynamisme fort des équipes, en particulier des deux nouvelles cheffes de service », salue François Crémieux, au sujet des Drs Aurélia Bordais et Céline Meguerditchian, qui ont pris leur postes respectivement à Nord et Timone, il y a deux ans.
En décembre, l’intégralité des 1 060 lits de médecine adulte étaient ouverts, se félicite encore la direction de l’AP-HM. En 2020, jusqu’à une centaine de lits avaient été fermés, une cinquantaine l’étaient encore en 2023. En chirurgie adulte, une vingtaine de lits seulement étaient fermés fin 2023 sur 620 au total. En obstétrique, la capacité est aujourd’hui quasiment la même qu’avant le Covid. En pédiatrie, « on a remonté la pente très lentement », poursuit François Crémieux. Seule une quinzaine de lits étaient encore fermés en décembre, il y avait eu jusqu’à une soixantaine de lits fermés sur 310, soit 20 % de la capacité « dans un contexte où il y a très peu d’autres établissements qui peuvent prendre en charge des patients graves ». « C’est l’un des domaines où la campagne de recrutement de l’été dernier a été la plus efficace », souligne-t-il.
Tensions persistantes
Toutefois, « il reste des tensions persistantes sur quelques métiers, notamment les manipulateurs radio et les infirmières de bloc opératoires (Ibode, NDLR) ainsi que la psychiatrie et le travail de nuit », poursuit François Crémieux. Ces difficultés de recrutement sont compensées par des heures supplémentaires – elles représentent 450 ETP en 2023, contre une centaine en moyenne les années antérieures – et le recours à l’intérim. « En psychiatrie, il y a encore une cinquantaine de postes vacants de paramédicaux », précise le DG. « Par conséquent, nous avons encore une trentaine de lits fermés », ajoute-t-il.
« Pour beaucoup, les infirmières de bloc opératoire sont l’élément bloquant pour arriver à ouvrir nos salles. Dans certaines spécialités, nous avons jusqu’à six mois d’attente, par manque d’Ibode ou d’infirmières anesthésistes », complète le Pr Jouve, soulignant la concurrence du système libéral. Quelque 123 infirmières spécialisées ont été recrutées en 2023 (une cinquantaine en 2022) mais ce solde entre les entrées et les départs était de -132 en 2021. « On a fait un effort de communication, notamment au niveau des écoles mais on s’est aussi adaptés à la demande des personnels infirmiers comme de travailler en 12 heures, ce qui en pédiatrie, nous a permis d’inverser la tendance et recruté de façon massive », explicite le Pr Jouve.
En 2023, autre signal positif : le taux d’absentéisme était de 11,5 %, en baisse de 1,8 point par rapport à 2022. L’un des objectifs du CHU est de mettre en place des pools de remplacement pour les personnels non-médicaux. « C’est capital pour nous », insiste le président de la CME. Par ailleurs, quelque 120 places supplémentaires ont été ouvertes l’année dernière au sein des cinq crèches de l’AP-HM et via un partenariat avec un prestataire.
Plus de 115 millions d'euros de déficit
Le point noir reste la situation budgétaire, qui s’est très fortement dégradée. En 2023, l’AP-HM accuse un déficit prévisionnel de 117 millions d’euros, contre 55 millions d’euros en 2022, sur un budget total de 1,85 milliard d’euros. « C’est pour nous une vraie difficulté et une inquiétude », souligne François Crémieux.
À titre de comparaison, les 32 CHU de France ont terminé l’année avec un déficit cumulé de 1,2 milliard d’euros, trois fois plus élevé qu’en 2022. « On attend de l’État un appui exceptionnel sur l’année », renchérit le DG. À Marseille, près des deux tiers de ce déficit s’expliquent par l’impact de l’inflation, soit 25 millions d’euros de coûts supplémentaires (énergie, restauration, médicaments, etc.), les augmentations de rémunération dans le cadre du Ségur (surcoût de 25 millions d’euros) ainsi que la hausse des taux d’intérêt.
Compte tenu de la dette colossale de l’AP-HM – qui a franchi le milliard d’euros en 2023 – cela représente une charge financière supplémentaire de 8 millions d’euros avec des conséquences sur les délais de paiement. « En 2023, on était proche de 50 jours, on est déjà autour de 120 et on prévoit de s'aggraver autour de 150 jours en début d’année », explique Marie Deugnier, secrétaire générale de l’AP-HM. Au sujet de la reprise de dette par l'État, « l’AP-HM bénéficie d’une aide de 250 millions d’euros pendant dix ans, 25 millions par an, pour la recapitalisation et payer nos emprunts », précise-t-elle. En raison de son taux d’endettement (de 60 % en 2023), le projet de modernisation de l’AP-HM est financé quasi intégralement par l'État et les collectivités locales, à hauteur de 680 millions d’euros.
Davantage de femmes aux postes de responsabilité
En 2022 et 2023, l’AP-HM a nommé 26 nouveaux chefs de service, dont 16 femmes et 10 hommes, âgés en moyenne de 49 ans. Environ un tiers (31 %) des chefs de service sont des femmes (contre un quart avant 2022). Par ailleurs, huit nouveaux chefs de pôles ont été nommés ces deux dernières années, dont une femme, avec une moyenne d’âge de 52 ans. 22 % des chefs de pôle sont des femmes (contre 18 % avant 2022).
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