Annoncée ce mardi soir, la nouvelle s’est propagée à la vitesse de la lumière dans le monde hospitalier. Dans le cadre son projet de loi sur l'immigration, qui sera présenté en Conseil des ministres en janvier, le gouvernement veut créer une nouvelle carte de séjour destinée aux professionnels de santé étrangers. Objectif : « répondre au besoin de recrutement de personnels qualifiés de santé dans les établissements de santé ou les établissements médico-sociaux ».
L'exécutif considère que les praticiens étrangers ne peuvent, à l'heure actuelle, pas toujours être embauchés « faute de titre de séjour répondant pleinement à la spécificité de ces situations ». Cette carte est destinée aux professionnels de santé et à leurs familles « dès lors qu'ils sont recrutés par un établissement de santé public ou privé à but non lucratif », indique le texte.
Une carte d’un à quatre ans
Dénommée « talent - professions médicales et de pharmacie », cette nouvelle carte de séjour pluriannuelle concerne les médecins « quelles que soient leurs spécialités », mais aussi les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens, précise le texte transmis lundi au Conseil d'État.
Deux cas de figure sont prévus. Soit le professionnel ayant un contrat de travail d'au moins un an, n'a pas encore passé les épreuves anonymes de vérification des connaissances (EVC), et il bénéficie d'un titre de séjour de 12 mois, qui ne pourra être prolongé que de 13 mois en cas d'échec à ses examens. Soit il a réussi ces EVC, et il obtient le précieux sésame pour une durée de quatre ans.
Des milliers de dossiers en attente
Le projet de l'exécutif « peut être judicieux et créer une ouverture vers l'emploi, à condition d'assouplir toute la procédure en vue d'exercer pour les Padhue, car cette mesure seule ne servira pas à grand-chose », a réagi Françoise Henry, secrétaire générale de l'APSR, l'association d'accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France. Outre la « barrière de la langue », elle met en avant la question des épreuves de connaissances. « En 2022, aucune EVC n'a été organisée et pour 2023 on n'a même pas de date, donc on a déjà beaucoup de dossiers à écluser », alerte-t-elle.
Contacté par « Le Quotidien », le président de l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH), le Dr Jean-François Cibien, estime que « 4 000 à 5 000 » praticiens à diplômes hors UE (Padhue) seraient toujours dans l’attente de leurs dossiers de demande d’autorisation d’exercice (procédure dite du « stock ») . Ce serait donc « une
bonne chose si ces dossiers étaient traités ».
Toutefois, cette mesure arrive dans un contexte où il n’y a pas assez de terrains de stage pour tous les Français qui font leurs études à l’étranger, fait savoir l'urgentiste du CH d'Agen… Il a donc du mal à comprendre pourquoi « on va faire venir des médecins de l’étranger alors qu’on n’est même pas capables de former les nôtres en France ! ». Le président d’APH considère donc que cette mesure est « un effet d’annonce ».
Salaires au rabais
Le collectif SOS Padhue est de son côté plus nuancé. Contactée par « Le Quotidien » sa porte-parole, Kahina Ziani, estime que cette carte de séjour est « bonne nouvelle pour pallier la pénurie de praticiens dans nos hôpitaux ». Selon elle, un grand nombre de Padhue en exercice en France seraient « en grande difficulté » pour faire valoir leurs droits de séjour et seront donc « rassurés grâce à cette loi ».
Pour autant, ce dispositif ne réglera pas le problème de fond, à savoir « l'absence de reconnaissance des Padhue en exercice depuis plusieurs années en France », relativise Kahina Ziani. Celle-ci dénonce des « rémunérations injustes comparées à celles de nos confrères à diplômes communautaires, avec une régularisation qui n'arrive qu'au bout d'une dizaine d'années d'exercice, voire plus pour certains. »
De fait, avec l’entrée en vigueur du statut de Praticien associé (PA) le 1er janvier 2023, les Padhue gagneront « entre 3 006 et 3 397 euros brut », soit moins nettement moins qu’avec l'ancien statut de praticien attaché associé (PAA) qui propose des rémunérations « entre 2 626 et 4 768 euros brut », selon Kahina Ziani. Cela signifie, dit-elle, que les établissements de santé pourront « recruter en masse des médecins étrangers payés 2 200 euros net, soit l'équivalent du salaire d'une infirmière en France ». Or, ceux-ci travaillent « plus de 60 heures par semaine, avec toutes les responsabilités inhérentes à leur exercice ».
Pour le collectif, ce n’est ni plus ni moins que la création d’une nouvelle procédure stock qui va entraîner « une prolongation de la précarité des Padhue ».
La Fehap partagée
Enfin, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (Fehap), qui est directement concernée par cette nouvelle carte de séjour, considère que cette mesure « peut contribuer à aider les établissements à faire face à une pénurie de professionnels qui s’éternise », a réagi son directeur général Charles Guépratte.
Si cette disposition « facilite l’emploi de professionnels étrangers », elle ne constitue cependant « pas une fin en soi », nuance Charles Guépratte qui estime qu’il faut « réformer nos systèmes de santé en profondeur pour rendre le secteur plus attractif ».
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