LE QUOTIDIEN : L’hôpital Pompidou, ouvert en 2001, a-t-il pris d’emblée le virage ambulatoire ?
PR EMMANUEL MASMÉJEAN : Lorsque j’ai été nommé chef de l’unité de chirurgie de la main et des nerfs périphériques, en 2003, j’ai poussé au maximum dans cette direction. Pompidou a un très beau plateau technique, mais pendant longtemps, j’ai été le seul à opérer en ambulatoire. Je fais le coude, l’épaule. Opérer une fracture de la clavicule avec un patient qui sort à 16 heures, c’est possible.
Aujourd’hui nous sommes une douzaine d’orthopédistes à l’hôpital, et je reste le seul à faire la main en ambulatoire. Les indications sont pourtant larges. Il y a 1,5 million d’accidents de la main chaque année en France : 90 % de ces urgences peuvent être opérées en ambulatoire. À Pompidou, 20 % de l’orthopédie est réalisée en ambulatoire. Si on me donnait plus de moyens, je pourrais augmenter l’activité.
Quels sont les freins ?
Le frein législatif a été levé : l’anesthésie générale n’est plus une contre indication formelle. Le frein économique a été levé également : les caisses remboursent maintenant les séjours en ambulatoire. Il reste un frein de génération. Les patrons d’autrefois étaient évalués au nombre de lits. Céder des lits, pour les anciens, c’est renoncer à un symbole de pouvoir.
Pour effectuer ma mission, je ne demande aucun lit. En ambulatoire, le patient est prioritaire, alors qu’en hospitalisation classique, c’est le chirurgien. En tant que professeur, je suis à la disposition du bloc, et non l’inverse. On mutualise la salle : mes attachés peuvent passer devant moi à 8 heures le matin. Cela suppose un changement culturel. Le premier frein au développement de l’ambulatoire en France, en fait, c’est le chirurgien. Tant pis si cela froisse!
Est-ce réaliste de parier sur des économies massives ?
Oui, à condition que les moyens soient transférés de la chirurgie classique vers l’ambulatoire. C’est là où l’AP-HP est mauvaise ! À Pompidou, pourtant tête de pont, le nombre de lits en orthopédie n’a pas baissé, et l’ambulatoire est la variable d’ajustement depuis dix ans. Il y a une grève des IADE, un pont en mai, des vacances ? Alors on ferme l’ambulatoire ! Déplacer les IADE et les IBODE vers l’ambulatoire devrait être affiché comme une priorité.
L’avenir m’inquiète car un nouveau chef de service devrait arriver cet automne, qui veut développer le rachis et la chirurgie lourde. Je risque de perdre des collaborateurs et une salle. Alors que le patient a tout à gagner en ambulatoire : risque infectieux plus bas, taux d’échec très faible (sur cent patients opérés, un seul reste à l’hôpital et sera placé sous morphine). Si l’AP-HP ne change pas très vite de stratégie, les patients partiront en masse dans le privé.
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