Premières réactions : la nomination de Brigitte Bourguignon au ministère de la Santé accueillie plutôt positivement par le monde médical

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Publié le 20/05/2022
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Crédit photo : S.Toubon

Parce qu'elle n'est pas totalement une inconnue du secteur, la nomination de Brigitte Bourguignon comme ministre de la Santé et de la Prévention a fait réagir les représentants du corps médical dès ce vendredi après-midi, interrogés par « Le Quotidien ».

« Pas un secteur n'est épargné »

Sur Twitter, le président de l'UFML-S, le Dr Jérôme Marty, a immédiatement félicité la nouvelle ministre. « Notre système de santé connaît la plus grave crise de son histoire. Hôpitaux, médecine de ville, médico-social : pas un secteur n’est épargné. Vous devez maintenant provoquer une conférence sanitaire permanente », lui a enjoint le Dr Marty. Dans une lettre à la future locataire de l'avenue de Ségur, publiée hier, le président de l'UFML avait appelé à « prendre conscience de l'urgence ». « Celles et ceux qui vous diront que les réformes en cours vont résoudre la crise vous tromperont », assène le généraliste de Haute-Garonne.

Le président du Syndicat national des ophtalmologistes (SNOF), le Dr Thierry Bour, a également présenté ses félicitations à Brigitte Bourguignon, tout en rappelant que beaucoup de choses étaient déjà « en route et en discussion » dans la filière visuelle. Le gouvernement a récemment autorisé la primo-prescription de lunettes et de lentilles de contact par les orthoptistes, pour les patients âgés de 16 à 42 ans.

Sur Twitter toujours, Philippe Vermesch, président du SML, a adressé ses félicitations à la nouvelle ministre. « Les défis sont énormes, a-t-il ajouté. Les médecins libéraux seront très vigilants sur la place accordée à la médecine libérale au bénéfice des patients et du système de santé. » 

Du concret, rapidement  

Le Dr Patrick Gasser, président d'Avenir Spé, estime auprès du « Quotidien » que cette « nomination est intéressante ». Ne pas être médecin à ce poste n'est pas un handicap à ses yeux. « Avenir Spé sera vigilant quant à la politique menée, une politique équitable, bienveillante à l'égard de tous les soignants pour redonner du sens à tous les métiers, dans tous les secteurs d'exercice. Ces décisions permettront de redonner une accessibilité aux soins à tous nos concitoyens sur l’ensemble du territoire. » 

Président de MG France, le Dr Jacques Battistoni reconnaît que Brigitte Bourguignon a une bonne connaissance du système de santé. « Elle a été présidente de la commission des affaires sociales et ministre dans le précédent gouvernement », rappelle-t-il. Le syndicat de généralistes attend un plan d'urgence pour l'accès aux soins dans les territoires afin d'appuyer les généralistes en difficulté : « On ne veut pas de grand-messe, martèle le généraliste normand. S'il y a une concertation, elle ne doit pas retarder les actions concrètes urgentes. » 

« Sérieuse et à l'écoute », pour la CSMF

Le président de la CSMF, le Dr Franck Devulder, salue également, auprès du « Quotidien » l'arrivée de la ministre, réputée « à l'écoute, sérieuse et ouverte à la discussion ». « Les tâches qui l'attendent sont urgentes. Il y aura la grande concertation, dont nous attendons des mesures structurelles pour aller vers un système nouveau et, dans ce cadre, la médecine de ville est un levier phénoménal ! Mais le premier chantier devra être l'urgence estivale sur l'accès aux soins, car le système est en train de craquer », alerte le Dr Devulder, qui souhaite « bon courage » à Brigitte Bourguignon.

Les libéraux de santé, qui représentent 11 organisations de libéraux, saluent les nominations de Brigitte Bourguignon mais aussi de Damien Abad. La première « connaît parfaitement les dossiers de la santé. Son expertise des sujets liés au grand âge en fait également une ministre sérieuse pour répondre aux enjeux de l’accès aux soins et de la dépendance », jugent-ils avant de lui adresser un « message d'alerte ». « Partout dans les territoires, les libéraux constatent plus que jamais les difficultés rencontrées par les usagers du système de santé, font-ils valoir. C’est pourquoi nous appelons le nouveau gouvernement à miser et à réinvestir sur les soins libéraux. »

Les hospitaliers sur leurs gardes

Côté hospitaliers, les premières réactions recueillies par « Le Quotidien » sont beaucoup plus mitigées. Le Dr Olivier Milleron, porte-parole du collectif inter-hôpitaux (CIH), estime que « c’est la continuité car Brigitte Bourguignon était déjà ministre déléguée chargée de l'Autonomie ». Il n’y a donc « pas de signe fort de volonté de changement ». Le cardiologue demande à la nouvelle ministre de « prendre les choses en mains tout de suite. Nous n’avons pas le temps de nommer des commissions, de commander des rapports. Il y a aujourd’hui 120 services d'urgence en difficulté, en plus des blocs qui sont fermés ». Il réclame des mesures fortes et symboliques. « Il faut une revalorisation très rapide des salaires, en particulier du travail de nuit, pour que l’on puisse continuer à assurer la continuité de soins. » Sur les conditions de travail, « il faut inclure très vite dans la loi un ratio soignant/patients maximal. Il ne faut pas dépasser un infirmier pour huit patients. Il y a des ratios dans les crèches et dans les avions, je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas la même chose dans les hôpitaux ».

Pour le Dr Jean-François Cibien, président de l'intersyndicale Action praticiens hôpital (APH), « on prend les mêmes et on recommence ! On avait déjà un tiercé perdant, et on nous refait un tiercé dans le désordre ! » Et d’ajouter : « On nous a fait attendre trois semaines pour cela ? De qui se moque-t-on ? L’hôpital public est dans une situation d’effondrement cataclysmique et nous sort le jeu des chaises musicales ! » « Nous voulons être reçus et écoutés rapidement par Brigitte Bourguignon, avance déjà l’urgentiste du Centre hospitalier d'Agen-Nérac. Il faut rapidement élaborer des actions pour sauver ce qui peut encore l’être. » Pour cela, il faudra « un budget adapté aux besoins de l’hôpital ». Enfin, le Dr Cibien exige « une véritable revalorisation de la permanence des soins », avec prise en compte de la pénibilité et du temps de travail effectué, mais aussi toujours l’octroi de quatre ans d’ancienneté pour les PH nommés avant le 1er octobre 2020.

Pour la FHP, le sujet de l'inflation

La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a réagi dès vendredi, en rendant d'abord hommage à l'action d'Olivier Véran, « un ministre à l’écoute de nos difficultés », qui a reconnu « le rôle de l’hospitalisation privée ». Le président de la fédération des cliniques, Lamine Gharbi, estime que la future conférence des parties prenantes sera un rendez-vous « décisif ». « Je compte sur notre nouvelle ministre pour s’emparer des sujets urgents comme la prise en compte de l’inflation, l’équité de traitement pour les salariés de nos établissements, la conduite des réformes du financement et la formation des soignants », a-t-il indiqué, tout en l'assurant de son « soutien ».

Dans un communiqué, le Conseil national de l'Ordre des médecins a félicité la nouvelle ministre. « Face à la crise que traverse notre système de santé, aux difficultés d’accès aux soins pour les patients, à la fermeture de services hospitaliers et à l’épuisement des médecins et de tous les professionnels de santé, l’Ordre des médecins espère que cette nomination permettra de faire advenir la nécessaire transformation de notre système de santé, seule à même de sauver ce pilier de notre République. » Une feuille de route ? 


Source : lequotidiendumedecin.fr