Le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) se prononcera mi-juillet sur la déclaration d'utilité publique du futur hôpital Grand Paris-Nord, dont le rapporteur public a préconisé ce jeudi l'annulation, ce qui constituerait un coup de frein majeur à ce vaste projet. Lors de l'audience ce jeudi, le rapporteur public du dossier a préconisé l'annulation de la déclaration d'intérêt public (DUP) prise en mars 2022 par le préfet de Seine-Saint-Denis, qui ouvre la voie aux travaux d'aménagement du futur campus hospitalo-universitaire censé voir le jour à Saint-Ouen à horizon 2028.
D'un coût estimé de 1,3 milliard d'euros, ce projet d'envergure porté par l'AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) et l'Université Paris Cité doit remplacer les actuels hôpitaux Bichat à Paris et Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine). Couvrant le nord de Paris, une partie des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis, il abritera également des activités d'enseignement et de recherche.
Mais dans ses conclusions lues à l'audience, le rapporteur public a constaté une « baisse de l'offre de soins » en termes de lits par rapport aux capacités conjuguées actuelles de Bichat et Beaujon (1 271 lits à fin 2021). « Le décalage avec les besoins prévisibles est d'une gravité telle qu'il nécessite l'annulation de la DUP », a-t-il estimé.
Recours de riverains et de syndicats
La justice administrative est saisie d'un recours de riverains et syndicats de soignants (le syndicat SUD Santé Solidaires, les collectifs Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences) qui estiment que l'hôpital Grand Paris-Nord est sous-dimensionné par rapport aux besoins de santé de la zone qu'il couvrira, appelée à connaître une croissance démographique. « Comment considérer d’utilité publique un projet qui conduira à la disparition de centaines de lits par rapport à l’offre actuelle ? », s'était insurgé, en mai 2022 au moment du dépôt du recours, le Dr Olivier Milleron, cardiologue à Bichat et membre du collectif Inter-Hôpitaux (CIH).
Plaidant pour une « annulation sèche » de la déclaration d'utilité publique, l'avocat des requérants a soutenu que celle-ci pourrait permettre à l'AP-HP de proposer un projet remodelé et ne ferait prendre que 12 à 18 mois de retard au chantier. « L'objectif 2028 est d'ores et déjà difficile à atteindre. Sur un projet qu'on nous dit valable pour cent ans, prendre 12 à 18 mois pour réfléchir ce n'est pas de trop », a dit Me François Benech.
« Nous sommes assez contents car notre argumentaire sur la baisse du capacitaire dans le nouveau projet a été retenu pour le rapporteur, commente le Dr Olivier Milleron, porte-parole du CIH, auprès du « Quotidien ». Le débat porte bien sur des questions de fond et pas sur la procédure. C'est la reconnaissance du discours que nous portons depuis plusieurs années ».
Annulation totale ou partielle
Pour sa défense, l'AP-HP a appelé les juges à ne pas se focaliser sur la seule capacité de l'offre de soins mais à prendre également en compte les autres avantages du projet : modernisation des infrastructures, synergies, bilan environnemental amélioré… « Prononcer l'annulation totale de la déclaration d'utilité publique aurait des conséquences majeures », a mis en garde son avocat Me Antoine Juquin. « C'est vraiment dommage que l'AP-HP soit incapable d'évoluer sur ses positions, regrette le Dr Milleron. Si elle acceptait de modifier son projet, simplement en augmentant le capacitaire, nous serions satisfaits et les choses pourraient très vite reprendre son cours ».
Le tribunal administratif de Montreuil prévoit de prononcer sa décision le 10 juillet mais a prévenu que le délibéré pourrait prendre du retard et être rendu à une date ultérieure. Une annulation totale – ou partielle – de la déclaration d'utilité publique est aujourd'hui largement possible.
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