C’est un sujet dont on parle depuis bientôt vingt ans. L’intelligence artificielle (IA) pourrait s’infiltrer dans les relations médecin-patient. Même si on retrouve dans la bibliographie plus de 400 articles avec les sujets « IA et médecine générale » (fin 2020), on est encore loin d’avoir remplacé le médecin de famille par un ordinateur. D’ailleurs, la plupart de ces publications émanent de développeurs et peu d’entre elles démontrent l’intérêt de l’utilisation au quotidien (1).
Mi-mars 2024, l’Académie nationale de médecine (2) a fait part de son souhait de « généraliser » l'usage des systèmes d'intelligence artificielle générative (SIAgen) par les professionnels de santé afin de « fournir une aide aux professionnels de santé, voire au grand public, mais pas de remplacer le médecin… en tout cas pour l'instant ». Pourtant, on constate que les médecins sont plutôt réticents à imaginer un futur dans lequel l’IA prendrait une grande part dans la relation médecin-patient.
Lorsque l’on interroge ChatGPT sur les possibles applications de l’IA en médecine générale, on obtient une réponse large : aider au diagnostic, en analysant des données cliniques, des images médicales ou des résultats de laboratoire et en proposant des hypothèses ou des recommandations ; suivre les patients, en utilisant des objets connectés, des applications mobiles ou des assistants virtuels, et en fournissant des conseils personnalisés ou des alertes en cas d’anomalie ; prédire l’évolution d’une maladie, en utilisant des modèles statistiques, des données génomiques ou des données environnementales, et en estimant le risque ou le pronostic d’un patient ; développer de nouveaux traitements, en utilisant des techniques de simulation, de synthèse ou de découverte de molécules, et en accélérant la recherche et le développement de médicaments ; gérer les systèmes de santé, en utilisant des techniques d’optimisation, de planification ou de coordination, et en améliorant l’efficacité, la qualité et la sécurité́ des soins.
L’IA pour « normaliser » les prises en charge ?
Et c’est justement dans ces domaines qui impliquent à la fois les cliniciens, les patients et le système de santé que l’IA est attendue comme une solution qui permet de « normaliser » les prises en charge (en prenant en compte les recommandations actualisées sans que le médecin ait à les rechercher systématiquement), d’améliorer l’organisation administrative et économique des cabinets, de répondre plus facilement aux multiples requêtes des patients, voire, pour certains, de permettre un meilleur accès aux soins.
Dans un travail de thèse de médecine générale (3), le Dr Antoine Molcard explique que 80 % des Chinois estimaient déjà en 2020 que les médecins généralistes pourraient être remplacés par l’IA (4). Des chiffres qui sont loin d’être partagés en France. Pour autant, il est fort probable que l’IA pourrait représenter un « stéthoscope du XXIe siècle », alors même que le volume des données en santé augmente de 30 % chaque année depuis dix ans. Pour cela, il faudrait que le médecin ait confiance dans la place qu’il lui resterait s’il utilisait quotidiennement l’IA. Cette technologie ne doit pas être un nouveau distracteur éloignant toujours plus le praticien du patient mais elle doit laisser une place à l’empathie. Elle ne doit pas non plus être incontournable : les utilisateurs expriment le souhait de garder la main sur son implémentation. L’Académie se veut rassurante : « Les outils numériques ne remplaceront pas les médecins, mais au contraire des craintes que le numérique, et en particulier les SIAgen, détourne les étudiants et futurs médecins de la médecine clinique, on peut espérer que l'aide qu'elle apportera en libérant du temps passé à remplir des dossiers permettra aux étudiants d'apprendre leur métier en passant plus de temps au chevet du patient ».
(1) Kueper, J. K., Terry, A. L., Zwarenstein, M. & Lizotte, D. J. Artificial intelligence and primary care research : a scoping review. The annals of family medicine 18, 250-258 (2020).
(2) Systèmes d’IA générative en santé : enjeu et perspectives. Académie nationale de médecine
(3) Molcard A. Médecine générale et intelligence artificielle. Revue de la littérature. Thèse 2023
(4) Gao, S., He, L., Chen, Y., Li, D. & Lai, K. Public perception of artificial intelligence in medical care : content analysis of social media. Journal of Medical Internet Research 22, e16649 (2020).
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