Elle est mal vécue par nombre de patients : « c’est comme une chaîne qui me retient à mon lit ; pour me déplacer, j’ai besoin d’un pied à perfusion », « même si je sais que ce n’est que du plastique, j’ai mal quand je bouge le bras ». La voie intraveineuse est en outre associée à des complications infectieuses locales ou générales. Pour autant, la pose d’un cathéter veineux ou d’un « garde-veine » est assez systématique dans les services hospitaliers et particulièrement aux urgences. Cette pratique est pourtant chronophage et coûteuse.
Une thèse de médecine d’urgence de 2022 (1) montre que 24 % des voies veineuses posées aux urgences du CHU Saint-Antoine, à Paris, n’avaient pas servi à l’injection de médicaments ou de produits de contraste en cas d’examens d’imagerie. Pourquoi étaient-elles mises en place dans ces conditions ? « Si besoin » était la réponse la plus habituelle des médecins.
Communication négative
À analyser la littérature médicale, on constate que les médecins ne se sont quasiment jamais penchés sur le ressenti individuel des patients perfusés. Il faut dire que ce sont plus souvent les infirmiers et les aides-soignants à qui les patients confient leur inconfort. C’est d’ailleurs dans la littérature de ces soignants que l’on trouve plus de publications sur la pose des voies veineuses.
Rachida Belmari, infirmière à l’hôpital de Toulouse, a par exemple travaillé (2) sur les éléments de communication lors de la pose de cathéter. Elle en ressort des verbatims négatifs – piquer, garrot, serrer, ça ne va pas faire mal, ça ne va pas durer longtemps, ne bougez pas – mais aussi positifs – respiration, apaisement, protéger, mouvements possibles. Favoriser des éléments de langage à connotation positive permet une qualité de soins sans perte de temps, selon Rachida Belmari.
Des économies, un impact carbone abaissé
Début novembre 2023, Min Na Eli et Florence Wedmore (3, 4), deux pharmaciennes britanniques, se sont aussi penchées sur l’impact environnemental de la prescription systématique de traitements par voie intraveineuse. En préambule, elles rappellent que la demande des patients du passage de la voie parentérale à la voie entérale est forte. Il est souvent vécu comme l’une des étapes précédant le retour à domicile.
Que proposent-elles ? De dédier un temps de discussion entre médecin et patient afin de choisir le moment le plus opportun pour passer à la prescription orale. Elles insistent aussi sur l’intérêt de ne plus recourir systématiquement à la pose de cathéter aux urgences. Une étude menée en service d’urgences de l’hôpital Charring Cross à Londres (5) a conclu à quatre grands avantages : la satisfaction des patients, le moindre temps soignant dédié à ce geste, une économie évaluée à 125 000 £ annuellement et un impact carbone abaissé de 24 000 kgCO2 par an (pas de gants, pas de plastique, pas de transport de matériel depuis les lieux de production, pas d’incinération des déchets).
Les deux auteurs encouragent les médecins à discuter avec leurs référents pharmaciens et infectiologues afin de prendre en compte, dans leurs prescriptions, la voie d’administration des médicaments, dans le but de diminuer les durées de séjour hospitalier et les risques nosocomiaux associés aux voies veineuses périphériques.
(1) Thiebaud PC. Étude de l’utilisation des cathéters veineux périphériques aux urgences. Thèse soutenue le 27/09/2022
(2) Belmari R. Ce que je dis, moi, soignant, influence‐t‐il le vécu douloureux et émotionnel du patient, lors de la pose d’un cathéter veineux périphérique ?
(3) Eli M N. Sustainable practice: Prescribing oral over intravenous medications BMJ 2023; 383 doi: https://doi.org/10.1136/bmj-2023-075297
(4) Wedmore F. Sustainable practice: what can I do? BMJ 2023; 383 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.p2461
(5) Greener NHS. Reducing unnecessary cannulation at Charing Cross Hospital. https://www.england.nhs.uk/greenernhs/whats-already-happening/reducing-…
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