C’est peut-être une évidence. Mais il fallait bien s’intéresser au sujet du lien entre la durée de consultation et le risque d’erreurs médicales dans un contexte de volonté étatique d’augmentation du nombre de consultations par praticiens en soins primaires. Hannah Neprash et al. sont partis d’une question simple puisque le temps médical est une ressource limitante : les médecins de premier recours sont-ils plus susceptibles de prescrire des médicaments potentiellement inappropriés lors de consultations plus courtes ?
Aux États-Unis - où a eu lieu cette enquête - la durée moyenne de consultation en médecine générale est de 18 minutes, hors officine de type « Urgent Care » où le médecin est secondé par des assistants médicaux et des infirmiers en pratique avancée et que son examen est bien plus bref. Or, pour être en phase avec les recommandations des sociétés savantes et des assurances des professionnels de santé du pays (particulièrement frileuses en termes de responsabilités juridiques), un médecin généraliste devrait passer chaque jour 27 heures pour pouvoir répondre aux « obligations » d’information aux patients. Impossible ! Alors comment parviennent-ils à concilier leurs obligations professionnelles avec leur vie quotidienne ? En s’autorisant un temps de consultation plus court avec certains patients.
Analyse transversale des dossiers médicaux
Hannah Neprash et al. ont mis en place une analyse transversale des dossiers médicaux de patients qui ont consulté en 2017 aux États-Unis. Cette étude a porté sur 8 119 161 consultations de soins primaires délivrées à 4 360 445 patients (56,6 % de femmes) par 8 091 médecins généralistes : 7,7 % des patients étaient hispaniques, 10,4 % étaient noirs non hispaniques, 68,2 % étaient blancs non hispaniques, 5,5 % étaient d'une autre origine ethnique, et 8,3 % étaient d’une origine ethnique non précisée dans le dossier. Si la durée moyenne des consultations était de 18,6 minutes, le temps passé avec certaines sous-populations était moindre : il s’agissait des plus jeunes, des patients bénéficiant d’une assurance étatique (équivalent de la CMU), des hispaniques et des Noirs non hispaniques.
Dans un deuxième temps, les investigateurs se sont intéressés à trois circonstances de prescriptions inappropriées : antibiotiques inutiles pour des infections des voies respiratoires supérieures, coprescription d'opioïdes et de benzodiazépines, et prescription potentiellement inappropriée pour les personnes âgées. Résultat : dans l'échantillon de l'étude, 55,7 % des 222 667 consultations pour infection des voies respiratoires supérieures ont donné lieu à une prescription inappropriée d'antibiotiques, 3,4 % des 1 571 935 consultations pour affections douloureuses ont donné lieu à une prescription conjointe d'opioïdes et de benzodiazépines, et 1,1 % des 2 756 365 consultations d'adultes âgés de 65 ans ou plus ont donné lieu à la prescription de médicaments contre-indiqués à cet âge.
Un effet pour chaque minute de consultation supplémentaire
Pour chaque minute supplémentaire de durée de consultation, la probabilité de prescription inappropriée d'antibiotiques baissait de 0,11 point de pourcentage (IC à 95 %, -0,14 à -0,09 points de pourcentage) et la probabilité d'une coprescription d'opioïdes et de benzodiazépines a baissé de -0,01 points de pourcentage (IC à 95 %, -0,01 à -0,009 points de pourcentage). Pour autant, les auteurs expliquent que tous les motifs de prescriptions ne sont pas entachés d’erreurs en cas de consultation rapide.
Cette étude met aussi en évidence des points positifs : par exemple, les patients complexes sont relativement bien pris en charge et les consultations prévues comme longues sont effectivement réalisées selon les durées prévues.
Qu’en concluent les auteurs ? Qu’il est impossible d’imaginer que le nombre des consultations effectuées par les médecins généralistes peut augmenter sans impact sur la qualité de certains soins. La question de la place des assistants médicaux et des infirmiers en pratique avancée dans la baisse du risque d’erreurs reste aussi posée, tout en avançant que le temps médical de ces professionnels est potentiellement plus facilement extensible du fait d’une moindre durée de formation et de promotions non soumises à des réglementations strictes en nombre de processionnels formés.
Neprash H, Mulcahy J, Cross D et al. Association of Primary Care Visit Length With Potentially Inappropriate Prescribing JAMA Health Forum. 2023;4(3):e230052. doi:10.1001/jamahealthforum.2023.0052
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