L'assureur Sham (groupe Relyens) a dévoilé les chiffres clés de la responsabilité civile en établissements de santé (hôpitaux et cliniques) pour 2018. Le principal assureur des hôpitaux (deux sur trois en RC) déplore un record dans le coût moyen des condamnations (350 000 euros) ainsi qu'un doublement du nombre d'affaires à plus d'un million d'euros (43 au lieu de 19).
• 13 600 réclamations aux établissements
En 2018, 13 683 réclamations liées à des préjudices corporels (51,8 %) et matériels (48,2 %) ont été adressées aux hôpitaux pour un coût total de 229,6 millions d'euros. Le coût des sinistres exclusivement corporels, qui concentre la quasi-intégralité de l'enveloppe (98,3 % du coût, soit 225,7 millions) continue à augmenter (+4,9 %).
Neuf dossiers sur dix ouverts pour préjudice corporel après réclamation d'un patient concernent des causes médicales. « L'activité médicale au sens large demeure le cœur de la mise en cause de la responsabilité civile médicale, la réalisation des soins et la prise en charge représentant plus de la moitié des griefs patients recensés », analyse l'assureur. En 2017, le ratio était d'un cas sur trois.
Les autres griefs corporels portent sur le risque infectieux (15,4 %), le retard ou l'erreur de diagnostic (15,1 %), la survenue de bris dentaire (6,1 %) – souvent lors d'une intubation par l'anesthésiste –, le comportement des soignants et la déontologie (4,2 %).
Dans le détail, une réclamation sur deux (53,4 %) implique la chirurgie, et au premier chef l'orthopédie (erreur technique opératoire, résultat insuffisant, infection, remise en cause du diagnostic). Suivent la médecine d'urgence, la médecine et l'obstétrique, cette dernière spécialité étant celle regroupant (en nombre et en coût) les dossiers les plus lourds. Les mises en cause évoquent des défauts de soins et de prise en charge, de comportement et de déontologie, de diagnostic et d'information au patient.
• Toujours deux hôpitaux sur trois condamnés
Au contentieux, les tribunaux administratifs et judiciaires ont prononcé un nouveau record de 1 271 décisions impliquant des établissements couverts par Sham (+11,7 % sur un an), dont 814 ont engagé la responsabilité des hôpitaux (64 %, un ratio stable depuis 5 ans) : 678 administratives, 136 judiciaires.
« Derrière les chiffres, deux tendances émergent, commente Dominique Godet, directeur général du groupe Sham : une forte augmentation du nombre de décisions et un taux de condamnation toujours aussi élevé. Nous constatons le haut niveau d'exigence du juge, toujours plus réceptif à la situation des victimes et de leurs proches. »
• Les orthopédistes les plus mis en cause
Les 814 décisions tenant les hôpitaux pour responsables concernent dans plus d'un cas sur deux (54,4 %) les services de chirurgie, devant la médecine (19,4 %), les urgences (16,8 %) et l'obstétrique (9,4 %).
En chirurgie, 167 décisions impliquent un orthopédiste (en majorité pour faute médicale ou infection nosocomiale), 56 un neurochirurgien et 54 un chirurgien viscéral. En médecine, 104 des 158 décisions judiciaires et administratives sont le fait de fautes médicales reprochées à des psychiatres et, dans une moindre mesure, à des pédiatres, des cardiologues/angiologues, des réanimateurs, des cancérologues et des neurologues.
• 43 dossiers à plus d'un million d'euros
L'assureur constate une « explosion » du coût moyen des condamnations (règlement et provisions) par les juges administratifs : 351 335 euros par dossier clos, contre 253 000 les cinq derniers exercices, en raison des 43 condamnations (19 en 2017) sur des dossiers à plus d'un million d'euros. Cette forte augmentation devrait se traduire par une augmentation des tarifs sur le marché de la responsabilité civile médicale.
Parmi ces 43 affaires les plus lourdes, on retrouve 19 dossiers d'obstétrique (dont le plus lourd à 16 millions), 6 dossiers de médecine d'urgences, 4 de neurologie, « tous entraînant des séquelles neurologiques extrêmement importantes pour la victime ».
« 13 dossiers dépassent 5 millions d'euros, dont 11 impliquent un gynécologue-obstétricien. Nous restons très exposés au risque obstétrical, confirme Dominique Godet. Il y a belle lurette que des dossiers sur cette spécialité dépassent les 10 millions d'euros et qu'on incite les établissements à s'assurer à hauteur de 12,5 millions d'euros. »
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