Le bruit d’un éclat d’obus, le fracas d’un mur qui s’effondre, le choc d’une voiture qui explose…
Ce sont les derniers souvenirs de Syrie qu’emportent avec eux les patients accueillis en Israël, à l’hôpital Ziv de Safed. Depuis un an et demi, cet établissement public, situé à trente kilomètres à peine de la frontière, soigne des Syriens victimes de la guerre, civils et combattants.
La nature des blessures, pas la religion
Des Syriens pris en charge tous les jours en terre ennemie. « Et alors ? », fait mine de s’étonner le Dr Itzhak Koifman (photo), chef du service des soins intensifs de cet hôpital de 327 lits, et 230 médecins. « Quand un patient arrive, ce qui m’intéresse, c’est la nature de sa blessure, pas sa religion, et encore moins de savoir s’il soutient ou non son gouvernement. Ce genre de considérations n’a pas cours ici. »
Phrasé lent, ton détaché, le Dr Koifman dit ne regretter qu’une chose, « que les patients soient souvent dans un état tel qu’ils ne peuvent pas nous décrire ce qu’il leur est arrivé. » Dans les salles de soins, les patients syriens ne sont pas mélangés aux locaux. Éclats d’obus, brûlures, balles (perdues ou non) sont les principaux motifs d’hospitalisation.
À l’hôpital de Safed, tout a commencé en plein Shabbat, le 13 février 2013. Ce jour-là, l’armée israélienne a contacté le Pr Alexander Lerner, chef du service orthopédie, pour lui annoncer l’arrivée de sept patients syriens, manifestement des combattants. Peur d’un afflux massif de réfugiés, besoin d’améliorer une image écornée sur le plan international, ou simple devoir humanitaire ? Les motivations de l’État hébreu sont inconnues mais Fatima* s’en moque. Une bombe a arraché une jambe, un pied et une main de son fils de 15 ans. « Elle n’avait pas explosé. Son copain est mort », témoigne-t-elle devant son fils rescapé. « Ici, il est bien traité », dit-elle.
À ce jour, près de 300 patients syriens ont séjourné à l’Hôpital Ziv. « C’est l’armée qui décide de nous les envoyer ou non », témoigne le Dr Oscar Embon, urologue et directeur de l’établissement.
Installer la confiance
« Leur première réaction, c’est la peur. Quand ils comprennent qu’ils sont en Israël, la confiance s’évapore », explique Fares Issa. Depuis un an et demi, cet assistant social à l’hôpital Ziv est devenu l’interprète des patients syriens accueillis aux urgences, aux soins intensifs et au service orthopédique. « Une fois la confiance installée, la première chose qu’ils demandent, c’est le Coran et un carreau de chocolat. Le secret, c’est de ne pas leur poser de question. Uniquement de me faire leur interprète et celui du médecin », affirme-t-il.
L’accueil de Syriens à l’hôpital n’est pas sans risque. L’an dernier, une grenade a été retrouvée par l’anesthésiste sur un patient . « On a dû évacuer l’ensemble du service. Ce genre d’événement peut clairement retourner l’opinion qui est aujourd’hui favorable à notre travail », relève le Dr Embon qui veille, en lien avec l’armée, à ce que l’accueil de Syriens ne perturbe pas les soins prodigués aux Israéliens.
À Safed, soignants et personnels hospitaliers ont beau clamer leur ignorance sur le profil des patients (combattants ou non), certains signes ne trompent pas. Ainsi, un soldat de Tsahal veille devant la chambre de Mahmoud*. Barbe longue, ce dernier affirme sa volonté de retourner vite en Syrie « pour travailler ». Un travail dangereux puisqu’il lui vaut un deuxième séjour à l’hôpital Ziv en moins d’un an... Amputé d’une jambe, l’autre souffrant de multiples fractures, Mahmoud pourrait ne pas « retravailler » de sitôt. Le souci d’anonymat du patient syrien traduit sa crainte : à quelques kilomètres de là, mieux vaut que personne ne sache que des médecins juifs israéliens lui ont sauvé la vie.
* Les prénoms ont été modifiés
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique