Gestion des risques

Événements indésirables graves liés aux soins : la HAS veut sortir de la culture de l'erreur

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Publié le 12/02/2021
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Plus de 2 000 événements indésirables graves liés aux soins (EIGS) ont été analysés par la Haute autorité de santé (HAS) entre 2017 et 2019 – dont la moitié sont jugés évitables. Si les déclarations sont en hausse, la culture de la sécurité marque des points. 
La HAS a mené des travaux pour consolider la démarche qualité dans les SAMU/SMUR

La HAS a mené des travaux pour consolider la démarche qualité dans les SAMU/SMUR
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

L'augmentation des déclarations d'événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) montre, paradoxalement, que la « culture sécurité » grignote du terrain chaque année dans les établissements, se félicite la Haute autorité de santé.   

Pour la troisième année consécutive en effet, la HAS a rendu son rapport sur l'analyse de ces EIGS, recul qui permet déjà de tirer des enseignements. En 2019, 1 187 EIGS ont été transmis et analysés (contre seulement 532 en 2018 et 288 en 2017) dont plus de la moitié auraient pu être évités, juge la HAS. Au total donc, plus de 2 000 événements indésirables graves ont été recensés en trois ans, depuis le lancement de ce dispositif national qui vise à sortir de la culture de l'erreur à la lumière des retours d'expériences. La HAS rappelle que la survenue d'un EIGS ne signifie pas nécessairement qu'une faute individuelle a été commise – de multiples facteurs entrant en jeu (transmission de l'information, coordination, remplacements ponctuels, encadrement des juniors, etc.).    

La ville déclare peu

Ce bilan visible reste toutefois « très inférieur au nombre réel d'évènements graves survenant en France », prévient la HAS. L'agence juge nécessaire « une mobilisation nationale et régionale » pour améliorer tant le nombre des déclarations que leur qualité d'analyse, souvent insuffisante à cause notamment du manque de formation des professionnels.

En 2019, comme l'année précédente, les déclarations d'EIGS proviennent principalement des établissements de santé (79 %), du secteur médico-social (15 %) et seulement 4 % de la ville. Une bonne moitié des déclarations émanent des services de médecine, chirurgie et psychiatrie, « ces derniers représentant également plus de la moitié des lits d'hospitalisation »

Concernant les 1 187 EIGS déclarés en 2019, la HAS a constaté que 83 % d'entre eux avaient eu lieu lors d'un acte thérapeutique et 14 % lors d'un acte diagnostique. Les soins ont été délivrés pour 46 % dans un contexte d’urgence et pour 48 % lors d’une prise en charge programmée. Si les EIGS concernent autant les hommes que les femmes, la HAS précise que la moitié concerne les plus de 60 ans. Surtout, 58 % des évènements se sont déroulés « lors d'une période de vulnérabilité de l'organisation » (nuit, week-end, jour férié). L'information du patient et des proches a été assurée dans 93 % des cas. 

Erreurs médicamenteuse

Au-delà du bilan 2019, une analyse détaillée a été menée sur la totalité des 2 007 EIGS recensés depuis 2017 pour dégager les principaux risques identifiés (infographie ci-dessous). Les défauts de prise en charge représentent le premier risque caractérisé, devant les suicides de patients, les erreurs médicamenteuses et les chutes.

Pour la première fois, la HAS a conduit un travail spécifique sur les événements indésirables liés aux produits de santé et plus particulièrement aux médicaments qui restent « fréquemment mis en cause ». De mars 2017 à décembre 2019, 256 EIGS liés aux médicaments ont été passés au peigne fin faisant ressortir trois types principaux d'erreurs : dosage/surdosage (41 %), les confusions de produits (31 %) et les erreurs d'identité du patient (14 %). La HAS souligne que 75 % des médicaments concernés font partie de ceux dits « à risque », « dont tout professionnel sait qu'ils présentent un risque accru de causer des préjudices importants au patient en cas d'erreur »

Guide pour les SAMU 

Encore récent, le dispositif des EIGS doit « gagner en maturité », reconnaît la HAS. Mais il permet déjà d'identifier une vingtaine de situations à risque (contexte, pratique professionnelle spécifique, personnel nouveau dans l'équipe, nature de prise en charge – dialyse, urgences, examen IRM, etc.) permettant d'en tirer des recommandations, des guides et des supports de formation. 

Par exemple, le zoom sur les produits de santé a donné lieu cette année à des préconisations de formation à destination des soignants et des établissements. Des travaux ont également été menés pour consolider la démarche d'amélioration de la qualité dans les SAMU/SMUR. Un guide a été édité en octobre 2020 pour épauler les professionnels des urgences avec, notamment, une grille d'auto-évaluation. 

La HAS précise que « dans quasiment chaque région », il existe aujourd'hui une structure régionale d’appui (SRA) permettant d’accompagner les soignants dans l’analyse approfondie des EIGS et la qualité des déclarations. « Face à ces accidents, nous sommes tous concernés et tous responsables si l'on ne tire pas les fruits de leur analyse », explique le Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, dans l'éditorial du rapport annuel. 


Source : Le Quotidien du médecin