Actes invasifs, infections nosocomiales, accidents médicamenteux liés à un anticoagulant ou un cardiotonique… Les événements indésirables graves liés aux soins (EIG) sont en baisse en France, selon une étude portée par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et réalisée par le laboratoire Inserm RESPHAPE à Lyon. C’est la troisième version de ces travaux, lancés en 2004 pour évaluer l’importance des événements indésirables graves rencontrés dans les établissements de santé.
Ainsi, en 2019, l’étude estime qu’il y a en moyenne 4,4 événements indésirables graves pour 1 000 journées d’hospitalisation. Contre 5 en 2009. « Cela correspond environ à quatre événements indésirables graves par mois pour un service de 30 lits », illustre le Pr Philippe Michel, directeur qualité usagers et santé des populations aux Hospices Civils de Lyon, qui présente les résultats de l'étude au salon Santexpo. Ces travaux ont été réalisés sur 85 services de médecine et 69 de chirurgie, dans 56 établissements publics et privés. « Nous avons envoyé des enquêteurs formés dans ces services pour recenser tous les événements indésirables graves », précise le Pr Michel. Ces erreurs médicales peuvent se produire soit directement lors d'une hospitalisation, soit en ville ou à la suite d’une hospitalisation précédente, qui nécessiterait une réhospitalisation.
2,6 % des admissions hospitalières sont la conséquence d’un EIG
Au total, 123 EIG ont été recensés lors de l'enquête. 34 % d’entre eux étaient évitables à l’hôpital, et la moitié en ville ou lors d’une réhospitalisation. Un caractère évitable, défini par des critères stricts, qui ne serait pas survenu si la prise en charge avait été conforme aux recommandations par exemple. « Si l’on extrapole ces chiffres nationalement, on estime entre 160 000 et 375 000 EIG chaque année au cours d’un séjour hospitalier », détaille Philippe Michel. Et entre 55 000 et 130 000 de ces événements aurait pu être évités, « un chiffre encore très conséquent ». Du côté de la ville et des réhospitalisations, 2,6 % des admissions hospitalières sont la conséquence d’une erreur lors des soins.
Si la prévalence des EIG globale baisse - « une donnée vraiment rassurante », pour le Pr Michel - la tendance n’est pas la même en fonction de la source d'erreurs. Aussi, les erreurs liées à des produits de santé – anticoagulant, cardiotonique, diurétique et antibiotique – baissent significativement depuis 2009. Même chute pour les actes invasifs réalisés au bloc, « sauf pour les actes générés par le périopératoire, qui ne baissent plus », commente Philippe Michel. La sécurité avant et après le bloc est ainsi un point de vigilance pour la DGOS, « On a peut-être atteint un plafond de verre », avance le professeur en santé publique. L’étude révèle par ailleurs que 7 patients sont décédés suite à une erreur de soin lors d'une hospitalisation, 16 ont hérité d’une incapacité à la sortie, et 29 ont vu leur pronostic vital engagé.
Second point de vigilance : la part d’événements graves liés à une réhospitalisation devient de plus en plus importante. Alors qu’elle ne représentait que 26 % des EIG en 2009, elle grimpe désormais à 42 %. « On peut se poser la question de la sécurité des soins quand on laisse sortir les gens trop vite de l’hôpital », s’interroge Philippe Michel.
Nombre dérisoire de signalements
Alors que médecins et infirmiers sont allés enquêter sur le terrain, à la source de ces événements indésirables graves, ils notent que ces erreurs sont davantage liées à une défaillance humaine ou une mauvaise organisation, qu’en 2009. À l’inverse, les EIG liés à un défaut de supervision des juniors sont en baisse. Une bonne nouvelle. « Les événements qui sont la conséquence de problèmes de communication au sein des équipes restent stables », précise le Pr Michel.
Plus inquiétant : alors qu’un décret publié en 2016 a rendu obligatoire le signalement de ces EIG aux Agences régionales de santé, seuls 1,6 % des services interrogés l’ont fait. « Il y a une réelle sous déclaration de ces événements », regrette Anne Vitoux, adjointe au bureau « Qualité sécurité des soins » de la DGOS. 17 % signalaient tout de même l’événement via les systèmes mis en place au sein de leur établissement.
Alors, comment expliquer ce sous-signalement notoire ? « Je ne pense pas qu’il y a une volonté de cacher ces événements de la part des médecins, mais plutôt une difficulté pour eux d’identifier le fait qu’ils sont liés directement aux soins, avance Philippe Michel. Ils vont plutôt se dire que le patient à fait une complication, qu’il était fragile. Il y a un gros travail de pédagogie à faire. » Pour Anne Vitoux, « il y a encore du travail à faire pour déconnecter la déclaration de l’aspect punitif ». Autre facteur avancé par les intervenants : le temps administratif, parfois long, passé à faire sa déclaration. Par ailleurs, la plupart des signalements arrivent trop tard aux ARS et à la HAS, « en moyenne trois mois après la survenue de l’événement, ce qui est hors délai », précise Anne Vitoux.
Une seconde partie de cette enquête sera menée à partir de 2022, en ville cette fois. Les chercheurs iront ainsi interroger des médecins traitants, pour analyser les décès recensés dans le système national des données de santé et répertoriés ceux qui pourraient être liés à un EIG. « Nous avons déjà réalisé une étude pilote avec eux, ce n’est pas simple d’aller voir un généraliste pour reprendre avec lui tous ses dossiers », concède le Pr Michel.
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