Lesté d’un déficit cumulé de 200 millions d’euros, le centre hospitalier de Bastia connaît un manque d’attractivité médicale encore plus marqué que les autres hôpitaux, relève la chambre régionale des comptes dans un rapport publié le 29 août.
Alors que l’établissement enregistre une activité de plus en plus soutenue, dans un contexte compliqué d’insularité et de fragilité de la médecine de ville, la chambre lui reproche de ne pas avoir ciblé un effectif d’équivalents temps plein rémunérés (ETPR) suffisant et de s’appuyer sur des solutions bien trop fragiles pour tenter de maintenir la barque à flot.
Sur les 213 ETPR médicaux recensés en 2023, seuls 97 sont occupés par des praticiens hospitaliers en poste. Au fil des années, la part des permanents a très fortement diminué, passant de 55 % à 49% de 2018 à 2023.
Dans le même temps, les effectifs médicaux ont augmenté de +18 % sur la période, avec une évolution différenciée entre praticiens permanents (+5 %) et non permanents (+35 %). En 2022, seuls quatre candidats PH ont été recensés pour 41 postes publiés.
Jusqu’en 2022, année de l’application de la loi Rist sur l’encadrement de l’intérim médical, l’hôpital faisait massivement appel aux médecins non permanents (les praticiens contractuels représentant 79 % des contrats). Les motifs de recours les plus utilisés étant le remplacement (37 %) et le surcroît d’activité (24 %). La majorité des médecins était affectée aux services d’urgences et au Smur.
L’application de la loi Rist a changé la donne. Jusqu’ici anecdotique, le recrutement de contrats de motif 2 (qui ont remplacé les ex-contrats de praticien clinicien) explose en 2023. La chambre régionale compte 450 contrats de ce type, dont 206 de moins de sept jours. « Ce recours est nettement plus élevé en Corse que dans les autres régions », analysent les rapporteurs. La chambre accuse aussi l’hôpital d’avoir utilisé ce contrat non pas « pour des difficultés particulières de recrutement », comme le prévoit la loi, mais pour des très courtes durées, et pour des spécialités n’étant pas forcément en tension, comme l’ORL.
Une cinquantaine de médecins rémunérés pour du travail non réalisé
Une des conséquences délétères de cette pénurie médicale est l’utilisation jugée abusive par les rapporteurs du temps de travail additionnel (TTA). La cour constate clairement une dérive sur le coût non chargé du TTA qui a augmenté de 215 % entre 2018 et 2023. Rien qu’en 2023, la somme indûment versée est de a minima de 800 000 euros. Un praticien au sein du service d’accueil des urgences a réalisé plus de 300 heures sur le même mois, avec des périodes postées de 9 heures à 23 heures. « Quand bien même ces pratiques dérogatoires viseraient à assurer la continuité des soins, la chambre rappelle l’obligation de respecter la durée du temps de travail et les repos obligatoires des médecins (11 h minimum par 24 h) », note la chambre.
Pire, au moins une cinquantaine de médecins ont été rémunérés pour du temps de travail non réalisé, via des TTA forfaitisés au mois et non au quadrimestre. L’hôpital leur a réglé une prime dépourvue de base légale, le maximum constaté pour un praticien s’élevant à 3 650 euros de TTA indus par mois. Plusieurs services sont concernés dont l’anesthésie-réanimation, les urgences… Même certains praticiens contractuels à temps partiel ont réalisé tellement de TTA qu’ils ont presque fait un temps plein, déplore la chambre. Qui demande à l’établissement de mettre fin une bonne fois pour toutes à ces pratiques et de respecter le cadre légal existant.
La prime de solidarité territoriale trop peu usitée
L’hôpital a proposé des mesures d’attractivité médicale pour tenter d’enrayer le phénomène de pénurie, constate la chambre régionale. Outre la gratuité des logements pendant trois mois, des places en crèche et l’octroi de la prime de solidarité territoriale (PST), parfois trop peu sollicitée, l’établissement a renouvelé son IRM et a acquis un second scanner afin d’améliorer l’attrait du plateau technique. Pour favoriser l’accès aux soins complexes, il a aussi créé une activité de neurochirurgie. Enfin pour attirer les nouveaux chirurgiens, il a acheté un robot mini-invasif. Des mesures qui ont le mérite d’exister mais sont clairement insuffisantes.
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