En 2020, 1 081 évènements indésirables graves liés aux soins ont été déclarés à la Haute autorité de santé (HAS) en France. Une baisse timide par rapport à 2019, où 106 événements de plus avaient été comptabilisés. Dans son quatrième bilan de retour d’expérience, diffusé jeudi 20 janvier, la HAS note que, dans 52 % des cas, ces évènements indésirables graves liés aux soins (EIGS) ont entraîné le décès du patient. 31 % des EIGS ont mis en cause le pronostic vital, 17 % un probable déficit fonctionnel permanent.
À l’instar des années précédentes, ces accidents déclarés en ville ou à l’hôpital résultent de trois grandes causes majeures : le suicide du patient, une erreur médicamenteuse ou une chute. 230 suicides ont ainsi été déclarés, et, aucun service n'est épargné puisque « 43 % ont eu lieu dans un autre secteur d’hospitalisation que le secteur psychiatrique », précise la HAS. À nouveau, les erreurs médicamenteuses se placent en seconde position des EIGS les plus fréquents. La moitié sont la conséquence d’une erreur de dose, dans 35 % cette confusion de posologie a entraîné le décès du patient.
L’année 2020 a également compté 58 événements graves liés à la prise en charge d’une parturiente, 39 décès inexpliqués, 23 gestes traumatiques, 32 défauts de diagnostic ou encore 33 accidents liés à un problème de management ou de ressources humaines. Dans 49 % des cas, ces EIGS se produisaient lors d'une prise en charge urgente. Aussi, la nuit, le week-end ou les jours fériés sont « des périodes de vulnérabilité », note la HAS.
Sous-déclarations chroniques
Dans son rapport annuel, la HAS tient toutefois à préciser que le nombre de déclarations reçues « ne reflète pas la réalité du nombre d’EIGS survenant en France chaque année », ces accidents étant généralement sous-déclarés par les professionnels de santé. Présentés au salon Santexpo en novembre dernier, les résultats préliminaires de la troisième Enquête nationale sur les évènements indésirables liés aux soins (ENEIS 3) mettaient en évidence la survenue chaque mois, de 4 EIGS par service de 30 lits.
Par peur des sanctions, de la stigmatisation, ou « par croyance qu'un bon professionnel ne fait pas des erreurs », les sous-déclarations restent chroniques. Et, deux tiers des déclarations initiales ne sont pas dûment complétées, même si leur qualité progresse depuis 2019. Les hôpitaux ont néanmoins « une culture plus avancée de la déclaration », souligne la HAS. 83 % des EIGS sont recensés par des établissements de santé, et seulement 4 % en ville. Pis, depuis 2017, à peine 111 accidents de ce type ont été déclarés par les libéraux.
Erreurs cachées
La HAS veut donc en finir avec « un système à risques persistants et punitifs », pour se tourner vers une « culture de la sécurité ». La Haute autorité se veut rassurante : « le risque fait partie de toute activité humaine, a fortiori dans un domaine complexe comme celui de la santé et tout professionnel de santé peut y être un jour ou l’autre confronté ». Être conscient du risque, l’analyse et en comprendre les causes « contribuent à réduire leur gravité ou à éviter qu’ils ne se reproduisent », incite la HAS. « Ce dispositif n’est pas un moyen de recours judiciaire », justifie-t-elle encore.
Elle veut ainsi lutter contre un préjugé encore bien ancré : non, les régions ou les établissements qui déclarent le plus d’EIGS ne sont pas ceux où les soins sont les moins sûrs. Selon le rapport, la Guadeloupe et la Bretagne sont les deux régions qui déclarent le plus d’EIGS par millions d’habitants. À l’inverse, la Corse et la Normandie n’ont officiellement recensé aucun accident en 2020. « Les erreurs cachées, ignorées, invisibles (ont) des conséquences graves pour les patients », regrette l’autorité.
Comment les éviter ?
56 % des évènements indésirables graves étaient en réalité évitables en 2020, soit 5 points de plus qu’en 2019. Dans la plupart des cas, ils auraient pu être prévenus grâce à une check-list opératoire en bonne et due forme ou à des systèmes d’informatisation efficients. Ainsi, dans 90 % des cas, un accident aurait pu être évité si la check-list avait été correctement utilisée - ou simplement présente. Aux yeux de la HAS, il semble par ailleurs qu’une bonne communication ente professionnels de santé permet, à l’inverse, d’éviter ce genre de situation. La bonne transmission des informations écrites dans le dossier patient apparaît également comme un facteur préventif.
Pour sensibiliser davantage les médecins, la HAS revoit sa communication et met en ligne des fiches d’informations courtes et visuelles. Elle propose depuis juin dernier une nouvelle collection : les « Flash sécurité patient », pour apporter des réponses ciblées aux praticiens. Six premières fiches ont déjà été publiées, liées aux accidents médicamenteux.
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