Les médecins hospitaliers « ne seront pas les complices muets d’une politique sanitaire désuète et coupable ! », mettent en garde, dans un communiqué commun, plusieurs syndicats et collectifs de praticiens hospitaliers (APH, Amuf, CIH, Snphare, SuDF, etc.). Ceux-ci ont appris que la Dr Caroline Brémaud avait été démise de ses fonctions de cheffe de service des urgences du CH de Laval (Mayenne), le 23 novembre.
Pour justifier leur décision, le directeur de l’hôpital et le président de la CME auraient évoqué le « prétexte de gouvernance unifiée », soit « la fin des services pour créer un chef de département unique regroupant les urgences et le Samu-Smur », précise les syndicats. Mais cette décision avait plutôt vocation à « priver de toute responsabilité » une médecin qui a « osé dire la vérité à nos concitoyens » et combattu « les mensonges complices » des tutelles, subodorent encore les organisations.
Lanceur d'alerte
Depuis des années, la médiatique ex-cheffe de service alerte publiquement sur le manque cruel de moyens humains au centre hospitalier – et au-delà sur la crise du système de santé. Cette destitution est « ignoble et contraire aux droits d’expression de chaque citoyen » car elle signifie que « les directions stigmatisent les lanceurs d’alerte », estime encore le communiqué des syndicats, qui espèrent rendre justice à l’urgentiste.
Les organisations de PH solidaires préviennent qu'ils s’opposeront « à toute tentative d’intimidation ou à toute sanction vis-à-vis des praticiens hospitaliers », lorsque ces derniers « s’expriment publiquement dans les médias pour informer la population sur le délitement programmé de l’hôpital public ».
Pas un cas isolé
Contactée par Le Quotidien, la Dr Isabelle Simon, pneumologue au CH de Compiègne et membre du CIH, estime que cette affaire de mise à l'écart est loin d’être un cas isolé. Selon elle, la Dr Brémaud « n’est pas le seul médecin à avoir été destitué, placardisé ou harcelé pour avoir dénoncé une situation alarmante ». Une situation qu’elle juge « inquiétante » car « il s’agit de faire taire les gens sur le manque de lits, le manque de personnel et la surcharge de travail ». La Dr Brémaud, ajoute-t-elle, aurait été sanctionnée pour avoir communiqué dans les médias et avoir dérangé au passage certaines personnes considérant que « cela diminue l’attractivité de son territoire ».
Des informations confirmées par un autre médecin, qui souhaite rester anonyme. « Pour certains, la mobilisation du Dr Brémaud nuit à l’attractivité du département. Il fallait la faire taire, parce que c’est plus facile de lui couper la tête que de travailler sur la problématique de l’attractivité ». Par exemple, l’urgentiste du CH de Laval aurait dénoncé, trop haut, trop fort, dans la presse locale « l’effondrement du système de santé et la situation catastrophique sur le plan local, en particulier les nombreuses fermetures des urgences de l'hôpital la nuit », avance le même médecin.
« Propos qui dérangent »
Également contacté par Le Quotidien, le Dr Marc Noizet, président de Samu-Urgences de France (SUdF), estime lui aussi que l'urgentiste a été sanctionnée pour « avoir tenu des propos qui dérangent ». Mais « ce n’est pas parce que vous fermez les yeux sur une situation que vous évitez le danger », poursuit le président de SUdF, qui apporte son soutien à l’urgentiste. D’autant que, sur le fond, « les professionnels, malgré les effets d’annonce du ministre, ne voient rien changer dans leur quotidien : pas de réouverture des lits, pas de personnel en plus, pas d’amélioration de l’aval urgences ».
La Dr Brémaud pourra enfin compter sur le soutien de Laurence Cohen, ancienne sénatrice communiste du Val-de-Marne, qui vient d'adresser un courrier à Aurélien Rousseau, pour dénoncer une décision « qui ressemble à une sanction incompréhensible », « une décision injuste et contre-productive ».
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