Ce mardi 3 septembre, la Fédération hospitalière de France (FHF) faisait sa rentrée dans un contexte politique incertain – faute de Premier ministre – et non sans gravité sur la situation des hôpitaux publics. Son président, Arnaud Robinet, a tiré la sonnette d’alarme, à rebours de certains propos ministériels rassurants. « Nous vivons un moment décisif dans l’histoire de l’hôpital public. L’échec n’est pas permis. »
Alors que le gouvernement n’a toujours pas été constitué, le patron du lobby hospitalier a évoqué les trois priorités du moment : le financement des établissements publics et médico-sociaux, dont la situation s’est encore fragilisée, les difficultés chroniques liées aux ressources humaines et enfin le besoin d’une loi de programmation pluriannuelle.
Arnaud Robinet a regretté au passage que la dissolution (et la période de blocage) ait mis fin à plusieurs grands projets très attendus, comme la loi sur le grand âge. Il souhaite ainsi que les grands chantiers liés à la santé soient très rapidement relancés et juge que le temps presse, en particulier aux urgences. Une pierre dans le jardin de son prédécesseur Frédéric Valletoux, le ministre démissionnaire de la Santé, qui avait provoqué l’ire des organisations syndicales hospitalières, en affirmant que seuls 50 établissements s’étaient retrouvés en difficulté cet été.
Un sentiment de dégradation pour près de 40 % des établissements
Pour apporter de l’eau à son moulin, la FHF a sondé les établissements publics de santé sur la situation de leurs urgences. 269 établissements ont répondu à cette enquête flash (dont 25 CHU). Parmi eux, 29 % sont des sièges de Samu, 93 % disposent d’au moins une ligne de Smur et 55 % sont engagés dans le service d’accès aux soins (SAS). Principal enseignement : pour 39 % des hôpitaux, la situation s’est clairement dégradée. Une majorité d’entre eux (46 %) considère qu’elle est restée stable et seuls 15 % pensent que la situation s’est améliorée, signe que le discours optimiste du ministère de la Santé est à relativiser fortement.
Faut-il y voir un signe d’alerte ? Concernant l’activité des urgences, la moitié des répondants ont constaté une augmentation cet été (par rapport à l’année dernière), en dépit des dispositifs de régulation et des campagnes sur ce sujet. 45 % des hôpitaux pensent que l’activité est comparable à celle de l’an passé, et seuls 7 % y voient une baisse. « Nous observons depuis plusieurs années un mouvement de fond qui fait peser un poids de plus en plus important sur les urgences et l’hôpital public en matière d'accueil des soins non programmés. Ces difficultés persistent et s'aggravent pendant l'été », a regretté la déléguée générale de la FHF, Zaynab Riet.
Résultat corollaire, parmi les établissements interrogés, 18 % d’entre eux ont déclaré avoir dû fermer au moins une nuit ou une journée au cours de l’été. Mais ce chiffre masque des réalités variées, certains établissements n’ayant fermé qu’une nuit ou un week-end, tandis que d’autres ont subi des fermetures plus fréquentes.
62 % des établissements souffrent de pénurie médicale !
L’aval « reste préoccupant », selon le président de la FHF. Les difficultés d’accès aux lits toutes catégories confondues sont confirmées par le tiers des répondants (seuls 12 % d’entre eux perçoivent une amélioration). Quant aux difficultés rencontrées, plus précisément, elles concernent l’accès aux lits de MCO (66 % des cas), de SMR (51 %) et de psychiatrie (43 %). Parallèlement, 42 % des répondants évoquent la fermeture d’autres services d’urgences (ayant impacté leur activité).
Par ailleurs, 62 % des hôpitaux ont signalé un manque de personnels médicaux et 37 % une carence de personnels paramédicaux. À noter que les établissements publics ont attribué des congés aux professionnels qui les ont demandés pour la majeure partie d’entre eux.
Les cliniques pas assez mobilisées ?
Les principales solutions mises en œuvre pour faire face à ces défis ont été le recours aux heures supplémentaires (dans 64 % des établissements), l’intérim pour 48 % d’entre eux, la régulation préalable par le 15 (34 %), la réorientation à l’admission (31 %) ou la fermeture ponctuelle de lignes de Smur (17 %).
Mais la FHF attend enfin avec impatience la publication du décret faisant évoluer le régime de la permanence des soins en établissement (PDS-ES), en application de la loi Valletoux de décembre 2023 sur l'accès aux soins, a indiqué Zaynab Riet. Cette loi donne plus de pouvoirs aux directeurs des agences régionales de santé (ARS) pour organiser la permanence des soins, y compris le cas échéant en imposant à des cliniques d'y participer. Et dans le baromètre de la FHF, les hôpitaux publics sont 74 % à estimer que les cliniques privées ne se mobilisent pas ou faiblement, pour faire face aux difficultés des urgences.
Moins d’absentéisme
Parmi les signes encourageants toutefois – à tirer d’une autre étude de la FHF sur la situation RH en 2023 dans 311 établissements – le niveau d’absentéisme dans la fonction publique hospitalière continue de décroître, même s’il reste supérieur à celui de 2019. Tous établissements, il se situe à 9,5 % en 2023, un niveau plus élevé dans les Ehpad (10,2 %) que dans les centres hospitaliers (9,4 %) et les CHU (9,2 %).
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