Bilan 2024

Aux urgences, le mode dégradé devient la norme

Publié le 20/12/2024
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Entre les remaniements et la dissolution, le vaste chantier de la refonte des urgences est en pause. Résultat : la fermeture, au moins partielle, des services s’est normalisée cet été.

34 % des services d’urgences ont eu recours à la régulation par le 15

34 % des services d’urgences ont eu recours à la régulation par le 15
Crédit photo : GARO/PHANIE

Emmanuel Macron n’aura pas tenu parole. Remontons le temps : le 17 avril 2023, alors que la décriée réforme des retraites venait d’être promulguée, le président de la République s’est adressé aux Français lors d’une allocution télévisée. Il a, entre autres sujets de crispation, promis de désengorger les urgences avant la fin de l’année 2024. Vingt mois plus tard, le chantier est loin d’être abouti. « Les urgences demeurent encore aujourd’hui l’exutoire de tous les dysfonctionnements de notre système de santé », dépeint le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, lors de la présentation, devant la presse le 19 novembre, d’un énième rapport long de 144 pages dédié à l’accueil et au traitement des urgences, confirmant un nouvel échec pour le chef de l’État.

2024 aurait pourtant pu acter le renouveau. Cinq jours avant le Nouvel an, le 27 décembre 2023, la loi Valletoux est promulguée au Journal officiel. Si le texte s’est attiré les foudres des médecins libéraux, son auteur, auparavant à la tête de la Fédération hospitalière de France (FHF), prescrit un nouveau remède pour soigner l’hôpital. Il poursuit le travail entamé par la députée Stéphanie Rist sur l’intérim médical en interdisant aux établissements de santé et médico-sociaux d’embaucher en intérim des soignants récemment diplômés. Une mesure essentielle à la stabilité des équipes et à la sécurité des soins selon l’ancien ministre de la Santé, appliquée par décret depuis le 25 juin.

Face à la pénurie médicale, Frédéric Valletoux tient aussi, grâce à sa loi, à faciliter l’exercice des fameux Padhue, ces médecins étrangers diplômés hors de l’Union européenne. Lors de son discours de politique générale le 30 janvier, le Premier ministre Gabriel Attal a même annoncé l’envoi d’un émissaire à l’étranger chargé de recruter des médecins pour combler les manques dans l’Hexagone. Cette idée, qui a fait des remous dans le milieu hospitalier, n’a cependant pas dépassé l’étape de l’annonce. Quant aux autorisations d’exercice provisoire promises par la loi Valletoux, des décrets d’application sont toujours en attente de parution.

2024, « une année charnière » ?

Résultat, cet été encore, les fermetures partielles ou totales des services d’urgences se sont enchaînées dans plus des trois quarts du pays. Entre le 1er juillet et le 31 août, selon une enquête dévoilée en septembre par Samu-Urgences de France, deux structures d’urgences sur trois ont fermé au moins une fois. Et quand les urgences restaient ouvertes, les patients ne pouvaient pas forcément y aller et venir librement. 34 % des services d’urgences ont en effet eu recours à la régulation par le 15. Or, comme le rappelle la Cour des comptes, « la médecine d’urgence a pour vocation de prendre en charge, tous les jours de l’année, 24 heures sur 24, toute personne, sans sélection, nécessitant des soins urgents ».

« Ce n’est pas au patient de choisir d’aller aux urgences ou pas », tonne le président de Samu-Urgences de France, Marc Noizet, qui veut malgré tout croire que 2024 est surtout « une année charnière ». Des projets de décrets, travaillés tout au long de l’année en collaboration avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS, ministère de la Santé) sont dans les tuyaux. Notamment celui visant à créer des antennes de médecine d’urgence dédiées à prendre en charge des patients sur une amplitude d’au moins 12 heures de service continue tous les jours de l’année. « Ce sera aux ARS d’orchestrer tout ça dans leurs régions mais les processus sont très lents », regrette l’urgentiste.

Caroline Robin

Source : Le Quotidien du Médecin