Le 24 juin, le ministère de la Santé a présenté au Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP) un projet de décret relatif à l'instauration du métier d'infirmier en pratique avancée (IPA) aux urgences. Si le texte a été rejeté presque à l'unanimité par le HCPP, il divise les professionnels de santé. Trop d'autonomie pour ces paramédicaux ? Pas assez ? Alors que les médecins y voient une menace pour la profession, les infirmiers regrettent, au contraire, un décret qui manque d'ambition.
Parcours paramédical
« L'infirmier exerçant en pratique avancée est compétent pour prendre en charge un patient et établir des conclusions cliniques dans le cadre du parcours paramédical dès lors qu'un médecin de la structure de médecine d'urgence intervient à un moment de la prise en charge », peut-on lire dans le document qui devrait passer devant le Conseil d'État. Il acterait une promesse d'Agnès Buzyn issue du Pacte de refondation des urgences présenté en septembre 2019.
Un arrêté accompagnant le décret fixe les situations cliniques pour lesquelles les IPA aux urgences peuvent intervenir seules − comme l'hypertension artérielle sans signes fonctionnels, les céphalées ou migraines habituelles, les problèmes de dent ou de gencive, les plaies superficielles hormis à la main et sur les zones à risque du visage ou encore les douleurs articulaires ou rachidiennes sans fièvre − ou sous la conduite diagnostique du médecin − comme les douleurs abdominales ou thoraciques, la tachycardie, les intoxications médicamenteuses, l'insuffisance respiratoire ou les brûlures graves.
Dérive pour l'AMUF
Farouchement opposée à ce projet, l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) y voit une « dérive inquiétante » qui vise « à pallier le problème de démographie médicale » plutôt qu'à élever les compétences des infirmiers. L'organisation craint un évincement à bas bruit des médecins urgentistes et, par conséquent, une « source d'inégalités territoriales en termes d'offre de soins ».
« C'est terriblement inquiétant », juge ce lundi le Dr Patrick Pelloux, président de l'AMUF, vent debout contre la mesure. « C'est la fin de la médecine d'urgence, dans trois ans il n'y aura plus de médecins dans les SMUR », prophétise l'urgentiste. L'AMUF réclame le retrait pur et simple de ce projet de décret et appelle à l'ouverture de négociations « sur le fonctionnement des services d'urgences ».
Corporatisme
À l’inverse, l'Ordre national des infirmiers (ONI) déplore un projet de décret qui « limite l'autonomie » des IPA aux urgences. L'ONI vise directement l'ajout, en toute fin de l'article 2, du morceau de phrase suivant : « dès lors qu'un médecin de la structure de médecine d'urgence intervient à un moment de la prise en charge. ». Il y voit un « recul du gouvernement » consécutif à « des pressions corporatistes ».
« Pour mémoire, les IPA sont des infirmiers expérimentés et formés qui, exerçant à l'hôpital, peuvent éventuellement avoir recours, à tout instant, à un médecin si nécessaire », recadre l'ONI. Pour son président, Patrick Chamboredon, cette nouvelle profession apportera une réponse à l'engorgement des services d'urgences. « Les IPA aux urgences autonomes font partie de la solution et faciliteront l'accès aux soins. Ne cédons pas au corporatisme de certains et œuvrons collectivement pour une offre de soins de qualité accessible à tous et à toutes », exhorte-t-il.
Entre les deux, SAMU-Urgences de France (SUDF) devrait opter pour une position plus mesurée sur ce sujet sensible. L'organisation réunira son conseil d'administration en fin de semaine pour émettre un avis officiel. Mais son président, le Dr François Braun, se dit « plutôt favorable » aux IPA, à condition qu'un médecin intervienne systématiquement dans le parcours du patient. « Il n'est pas question d'imaginer une prise en charge aux urgences sans contact médical », prévient l'urgentiste de Metz.
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique