« Le changement climatique aura des conséquences significatives sur les services d’urgences, dans le monde entier », a alerté la Dr Roberta Petrino, de l’Ente Ospedaliero Cantonale (Lugano, Suisse), lors d’une session au congrès européen de médecine d’urgence, qui se tient à Copenhague jusqu’au 16 octobre. « Et la prise de conscience doit être bien plus importante, au niveau national et international », a-t-elle exhorté.
La Dr Petrino est l’une des autrices d’un rapport à paraître dans The European Journal of Emergency Medicine fondé sur les expertises de spécialistes. Entre le 15 février et le 15 mars 2024, les associations de médecine d’urgence de 36 pays ont été invitées à constituer des groupes de travail de quatre à six personnes (en tout 42 groupes ont été mis sur pied) pour répondre à des questions sur les répercussions du changement climatique sur leur spécialité.
Pollution, inondations, vagues de chaleur
« Sur une échelle de 0 à 9, les spécialistes ont évalué à 7 la sévérité des conséquences du changement climatique sur le système de santé et en particulier les urgences », a rapporté Luis Garcia-Castrillo Riesgo, professeur de médecine d’urgence à la retraite de l’Hospital Marques de Valdecilla, Santander (Espagne) et ex-président de la Société européenne de médecine d’urgence (Eusem). « Une moyenne élevée, fait-il remarquer, alors que certains pays du nord de l’Europe y voient moins un problème que d’autres comme l’Australie ». De plus, les groupes de travail considèrent que les conséquences du changement climatique pèseront autant voire plus sur les services d’urgences que sur les autres branches du système de soin.
La pollution, les inondations et les vagues de chaleur sont citées comme les trois premières menaces par les groupes de travail ; les trois dernières sont les vagues de froid, les incendies de forêt et les maladies à transmission vectorielle, telles que le paludisme. Quant aux répercussions attendues, elles consistent surtout en afflux de demandes sur les services d’urgences.
Les réponses diffèrent en fonction des pays, selon leur situation géographique et leur contexte socioéconomique. Ainsi les urgentistes des pays à revenus moyens ou faibles citent comme risques majeurs les perturbations de la production alimentaire et la désorganisation des services de santé. Les pays les plus inquiets s’avèrent être ceux de l’Australasie, de l’est de l’Europe, de l’Asie du Sud, de l’Afrique subsaharienne, et de l’Amérique centrale. L’Australasie, l’Amérique centrale et l’Afrique subsaharienne se montrent par exemple bien plus angoissées que les pays européens face aux risques de maladies vectorielles, de feux de forêts, d’évènements climatiques extrêmes ou de pénuries alimentaires. Les pays du nord de l’Europe ou de l’est de la Méditerranée redoutent, eux, les déplacements de populations et la perturbation des services de base.
Une prise de conscience insuffisante
Il ressort de l’étude un défaut de prise de conscience à géographie variable, alors que tous les pays sont concernés. « Sur l'ensemble des participants aux groupes de discussion, 62 % ont déclaré que leur gouvernement ou leurs décideurs politiques n'avaient pas évalué l'impact du changement climatique sur les services d'urgences et 55 % ont déclaré que rien n'avait été fait pour se préparer à l'impact du changement climatique », a précisé Luis Garcia-Castrillo.
Les groupes de travail plaident pour davantage de formations des étudiants et médecins urgentistes, de recherche et de plans stratégiques. Un appel relayé par l’Eusem, qui demande aux États de mettre en place des programmes pour atténuer les menaces que fait courir le changement climatique sur les services d’urgences. Elle annonce instaurer un groupe de travail permanent sur le sujet. « Alors que nous approchons de la fin d'une année qui a vu des records en termes de chaleurs, il y a urgence. Le changement climatique touche tous les pays, riches et pauvres, quelle que soit la région géographique, et nos services médicaux sont plus que jamais confrontés à une situation d'urgence », a conclu la Dr Petrino.
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