Moins de médecins et de soignants présents pour accueillir un nombre de patients toujours plus important, moins de lignes de Smur, moins de lits. Deux ans après la mission flash et son lot de mesures déployées par l’ancien ministre de la Santé, François Braun, la situation des services d’urgence est loin de s’améliorer, selon le dernier bilan estival (juillet-août) de Samu-Urgences de France (SUdF).
Cette troisième enquête annuelle* montre que de nombreux services « ont subi des difficultés majeures de fonctionnement, en lien avec le manque d'effectif soignant et la disponibilité des lits d'hospitalisation qui a encore connu un recul ». 61 % ont en effet signalé avoir fermé au moins une ligne médicale. Parmi eux, 18 % ont dû effectuer la démarche sur plusieurs lignes. Ces fermetures ont été faites de façon « continue » pour 41 % des services d’urgences, « fréquente » dans 37 % et « ponctuelles » pour 21 %.
Ces restrictions de fonctionnement ont concerné 84 départements sur 106, ruraux comme urbains. « Les fermetures perlées de certains services génèrent un report d’activité vers les établissements de recours les mettant eux-mêmes en tension », analyse SUdF. Ces contraintes sur ces centres de taille plus importante ne sont pas sans conséquence sur « une diminution de leur attractivité et à des difficultés de recrutement qui s’aggravent », lit-on dans le rapport.
La régulation médicale dans un service sur trois
Selon l’enquête, la régulation médicale de l'accès par le centre 15 (Samu-SAS) a été utilisée par 34 % des services d’urgences. Même si, sur la même période, l’association note une augmentation du nombre de passages aux urgences de plus de 3 % par rapport à l’été 2023, elle milite pour l’extension de ce dispositif de filtrage en lien avec la médecine de ville, le jugeant utile. SudF rappelle que le principe de régulation médicale pré-urgences permet une baisse de 15 à 20 % des admissions des patients à faible niveau de gravité, diminuant ainsi la pression sur les équipes hospitalières.
Reste que si la situation sur le terrain a été « moins catastrophique qu'attendu », reconnaît l’organisation, « c'est au prix d'un nombre considérable d'heures de temps additionnel » faute de recrutements. Puis ce qui a changé par rapport à l’été 2023, « c’est l’installation d’une résignation des professionnels dans l'indifférence la plus générale », souligne SudF.
Ce qui a changé par rapport à l’été 2023, « c’est l’installation d’une résignation des professionnels dans l'indifférence la plus générale », souligne SudF
L’enquête s’est aussi attardée sur l'aval des urgences, qui semble avoir franchi « un nouveau stade dans l'inacceptable » au niveau des fermetures de lits. En réanimation, 23 % des établissements ont été obligés de réduire la voilure « de manière durable » cet été, au-delà des fermetures estivales habituelles. Cela représente au total près de 270 lits de réanimation non disponibles dans 56 établissements.
En médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), ce sont deux établissements sur trois (65 %) qui ont fermé plus de lits que d’habitude en période estivale. SudF estime que le parc hospitalier global a été amputé de 1 500 lits sur la période juillet-août.
Un médecin répondant sur quatre (25 %) estime qu’il y a une augmentation des difficultés en 2024 sur les lits de soins critiques par rapport à l’année d’avant.
Faute de lits disponibles dans les services hospitaliers, le nombre de « patients brancards » le matin dans les services d’urgence ne peut qu’augmenter, souligne SUdF. L’observatoire des urgences Grand Est a constaté un bond de 27 % du nombre de patients toujours brancardés le matin après une admission aux urgences la veille après 22 heures entre l’été 2024 et l’été 2023.
Un Smur sur deux en mode dégradé
Enfin, Un Smur sur deux a été contraint de fermer « au moins une ligne » cet été. Ce sont 174 lignes qui ont été fermées, dont 48 de façon « fréquente » ou « continue » et ceci dans 80 départements. Un établissement sur dix n'ayant qu'une seule ligne Smur a dû tout bonnement la mettre à l'arrêt, « laissant le secteur sans aucune réponse pour répondre à l'urgence vitale », conclut SudF.
En aval, « interdire » l’hospitalisation dans un couloir
Face à la dégradation de l’accès aux soins, les urgentistes appellent l’État à prendre des mesures fortes sur le non programmé. Il s’agit notamment en aval des urgences « d’interdire » définitivement la possibilité d’hospitaliser un patient dans un couloir. SudF n’hésite pas à parler de « maltraitance institutionnelle ». Pour y arriver, chaque établissement devrait consacrer « une place au non programmé », en communiquant chaque matin « un indicateur lit brancard quotidien ». Le syndicat des urgentistes appelle aussi à stopper « définitivement » le fonctionnement dégradé des structures d’urgence, « en révisant leur maillage territorial ». Plusieurs pistes sont évoquées : le basculement de certains services en antennes de médecine d'urgence, la création de centres de soins primaires pour les patients nécessitant un environnement technique spécifique sans justifier un urgentiste. La « généralisation » progressive de la régulation médicale d’accès aux SU par les Samu et services d’accès aux soins est aussi plébiscitée.
* Enquête en ligne menée entre le 20 août le 12 septembre, à laquelle ont répondu 453 médecins exerçant dans 331 services d’urgences (48 % du total national) et 221 Smur (51 %)
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