« En médecine d’urgence, sur l’ensemble des patients qui se présentent pour une douleur thoracique, seuls 10 % ont un syndrome coronarien. En médecine générale, ce taux est probablement bien plus faible mais, faute d’étude épidémiologique, on ne sait pas en quelles proportions. Le généraliste est plutôt confronté à des douleurs thoraciques qui durent déjà depuis un certain temps et qui sont d’ordre neuro-musculosquelettique mais, parmi ces douleurs, il peut y avoir un authentique syndrome coronarien aigu qu’il ne faut pas méconnaître. C’est pourquoi la règle qui prévaut encore aujourd’hui est que toute douleur thoracique d’apparition brutale nécessite d’appeler le 15 », rappelle la Pr Sandrine Charpentier, cheffe du service de médecine d’urgence au CHU de Toulouse. En effet, sauf cas particulier, le généraliste n’est pas outillé pour poser le diagnostic à coup sûr de syndrome coronarien.
Un électrocardiogramme mais pas de dosage de la troponine en ville
Le piège est que, même en cas de syndrome coronarien, la clinique est souvent normale : « les paramètres vitaux − fréquence cardiaque, tension artérielle, saturation en oxygène − sont bons, et donc faussement rassurants. On ne peut pas s’y fier. Et le simple fait d’avoir une douleur dans la poitrine ne veut rien dire. En cardiologie, une douleur thoracique typique correspond à un syndrome coronarien dans un cas sur deux. En médecine d’urgence, ce taux tombe à un sur quatre. En médecine générale, il n’y a pas de données, mais c’est probablement encore plus faible », confirme la Pr Charpentier.
Une fois le 15 appelé, si le généraliste est équipé, faire un électrocardiogramme est intéressant pour repérer les syndromes coronariens les plus graves, c’est-à-dire ceux qui s’accompagnent d’un trouble de la repolarisation, avec soit un sus- ou un sous-décalage du segment ST : « cette information intéresse le régulateur car un trouble de la repolarisation associé à une douleur thoracique mérite de déclencher un moyen SMUR immédiat », souligne l’urgentiste. En revanche l’ECG normal, ne suffit pas à éliminer un syndrome coronarien. Seule la cinétique de la troponine, réalisée à l’hôpital, avec des troponines de très haute sensibilité (capables de déceler des infarctus circonscrits), va permettre de faire la différence entre une douleur d’origine coronarienne et une autre. En l’occurrence, si le dosage réalisé au moment de la prise en charge et celui réalisé trois heures plus tard donnent des résultats identiques, cela permet d’éliminer un syndrome coronarien. « Attention, la troponine n’a pas vocation à être utilisée comme examen de débrouillage en ville. Sa cinétique doit se faire en milieu hospitalier devant une douleur thoracique car il y a une perte de temps à attendre des résultats en ville et surtout, les troponines ne sont pas comparables entre elles, d’un laboratoire d’analyse à l’autre. Cela n’a donc pas de sens de les réaliser en deux endroits », met en garde la Pr Charpentier.
Un rôle majeur dans l’éducation thérapeutique
« Le généraliste doit éduquer ses patients ayant des facteurs de risque de développer un syndrome coronarien, pour qu’en cas de douleur thoracique − a fortiori une douleur constrictive avec une irradiation dans le bras ou la mâchoire, chez un homme de plus de 45 ans − ils appellent directement le 15 et ne perdent pas de temps à se rendre aux urgences ou au cabinet. Avoir en permanence un ECG de référence sur eux est aussi utile », note la Pr Charpentier.
Et cela vaut pour les périodes de confinement ! Durant la première phase − la plus documentée − il a été noté une diminution de plus de 50 % des syndromes coronariens ! Des études américaines ont montré que les patients avaient davantage consulté internet : il y a eu une explosion des recherches « douleurs thoraciques » et donc probablement des patients qui se sont rassurés alors qu’ils avaient un authentique syndrome coronarien. « Un certain nombre de patients n’a probablement pas consulté pour douleur thoracique (ni le généraliste, ni les urgences), alors qu’il aurait fallu. Une étude européenne a également montré que, sur cette période, il y avait eu moins d’angioplasties et que celles réalisées avaient été plus tardives. Il est donc essentiel que les généralistes rappellent à leurs patients de ne pas s’autocensurer pour accéder au 15 en cas de douleurs thoraciques, quel que soit le contexte sanitaire », conclut la Pr Charpentier.
Entretien avec la Pr Sandrine Charpentier, cheffe du service de médecine d’urgence au CHU de Toulouse
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