IRM aux urgences

Le CHRU de Lille veut montrer l’exemple

Publié le 21/10/2010
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Crédit photo : S. toubon/« le quotidien »

FAUT-IL équiper les services d’urgence qui ont une activité relativement importante avec un plateau technique complet (imagerie conventionnelle, échographie, scanner et IRM) dédié ? Le Conseil professionnel de la radiologie (G4) a déjà pris position dans ce sens pour tous les établissements accueillant plus de 30 000 à 40 000 patients chaque année aux urgences. Mais pour l’instant, seul le CHRU de Lille a franchi le pas puisque son SAU dispose, depuis plus d’un an, d’une IRM entièrement dédiée à l’activité des urgences. « Nous avons installé cet équipement en avril 2009 dans le service de radiologie des urgences, juste à côté de notre scanner, déjà entièrement dédié aux urgences. Au cours de la première année, nous avons réalisé 6 200 IRM », indique le Pr Xavier Leclerc (service de neuroradiologie), référent à la Haute autorité de santé (HAS) sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC).

Le Pr Leclerc reconnaît que l’activité très soutenue du service des urgences a été un élément pris en compte pour l’installation de l’IRM. « Nous avons un nombre d’admission très important, de l’ordre de 120 000 patients par an. Avec un tel turnover, il est très important de disposer d’un équipement dédié. Dans beaucoup d’autres établissements, l’activité de l’IRM est une activité programmée. Des créneaux sont habituellement laissés libres afin de répondre à la demande d’IRM en urgence sans perturber l’organisation et le fonctionnement de la machine ». Le Pr Leclerc précise que, pour les services d’urgence accueillant moins de 40 000 patients par an, l’installation d’une IRM dédiée n’est peut-être pas justifiée.

Améliorer la prise en charge des patients.

Selon le Pr Leclerc, la décision du CHRU de Lille a vraiment été motivée par la volonté d’améliorer la qualité de prise en charge des patients. « Dans beaucoup d’établissements, l’accès à l’IRM reste difficile pour les indications d’urgence en neurologie et c’est le plus souvent un scanner qui est réalisé au moment de l’admission du patient alors que l’IRM n’est programmée que trois ou quatre jours plus tard ce qui entraîne parfois des hospitalisations longues et inutiles. C’est ce que nous faisions avant 2009 ». Le Pr Leclerc rappelle que l’IRM est aujourd’hui l’examen de référence en neurologie. « L’IRM permet d’orienter fortement la prise en charge des patients atteints d’accidents vasculaires cérébraux. Pour notre part, les suspicions représentent environ 70 % des demandes d’IRM par les urgences ».

La nécessité de réaliser le plus rapidement possible une imagerie du cerveau devant une suspicion d’AVC est bien établie. « Cela peut d’abord permettre, chez environ 1 % des patients, l’administration intraveineuse d’un agent thrombolytique dont l’objectif est de dissoudre le caillot, de rétablir un flux sanguin normal et entraîner la régression partielle ou totale des symptômes ». Seule l’IRM permet d’apporter des données précises sur l’état du parenchyme cérébral. « Un scanner permet surtout de détecter l’hémorragie mais en cas d’accident ischémique (environ 80 % des patients), l’examen est plus souvent normal et ne peut affirmer le diagnostic d’AVC », souligne le Pr Leclerc, en rappelant que 20 % des patients, hospitalisés pour un AVC à la suite d’un scanner, présentent une autre pathologie qu’il faudra explorer secondairement par IRM.

Durée de séjour raccourcie.

Selon le Pr Leclerc, l’installation d’une IRM aux urgences a ainsi permis de raccourcir les durées de séjour des patients. « Cela permet d’éviter des scanners inutiles mais surtout de faire très vite le bon diagnostic et de bien orienter ensuite le patient. Nous avons réalisé une étude sur les durées d’hospitalisation et constaté que pour les patients admis aux urgences et bénéficiant d’une IRM immédiatement, la durée de séjour en neurologie était raccourcie de 3 ou 4 jours ».

Le retard persiste.

Il faudra sans doute encore attendre un peu de temps pour voir d’autres établissements équiper, eux aussi, leur service d’urgence avec un plateau technique complet et dédié, estime le Pr Leclerc. « À Lille, nous avions déjà montré, il y a plus de dix ans, tout l’intérêt d’équiper les services d’urgence d’un scanner. Aujourd’hui, tous les grands services d’accueil des urgences (SAU) ont un scanner dédié. Nous entrons aujourd’hui dans une deuxième phase, celle où il nous faut convaincre de la nécessité d’équiper les SAU de grande envergure avec une IRM. Pour cela, nous pouvons compter sur le soutien de la communauté neurologique, qui est unanime pour reconnaître que l’IRM est l’équipement majeur pour leur discipline ». De manière plus générale, le Pr Leclerc déplore le retard français dans le domaine de l’imagerie par IRM. « Même si les choses se sont un peu améliorées ces dernières années, il existe souvent des blocages importants au niveau des tutelles. Le résultat est que la France est aujourd’hui deux fois moins équipée en IRM que la moyenne des pays européens ».

* D’après un entretien avec le Pr Xavier Leclerc, service de neuroradiologie du CHRU de Lille, référent à la HAS sur les accidents vasculaires cérébraux, membre d’un groupe de travail sur les AVC au ministère de la Santé.

 ANTOINE DALAT

Source : Bilan spécialistes