LA CHINE cultive les paradoxes. On y vit aussi longtemps qu’en Hongrie, 73,4 ans en moyenne. Pourtant, les dépenses publiques de santé sont dérisoires. « 345 yuans à Pékin (37 euros). Et moins de 50 yuans par an et par habitant dans 12 provinces. Soit moins de 5 euros! », relève Jean-Louis Durand-Drouhin qui fut pendant quatre ans conseiller social de l’ambassade de France à Pékin. La médecine traditionnelle, aujourd’hui encore, sert de palliatif (234 millions de patients par an). Mais les inégalités se creusent, et la réforme est plus urgente que jamais.
Sur le fond, l’expert français approuve le chemin emprunté par les autorités. « Les Chinois ont fait le choix de s’attaquer en priorité au financement de la santé. En 2006, 11 % de la population était couverte par une assurance-maladie. Aujourd’hui, c’est quasiment 100 %. » Avec, nuance-t-il, un taux de couverture très faible. En clair, mieux vaut ne pas être trop malade. À la campagne surtout, où les hôpitaux n’inspirent guère confiance, et où l’on préfère mourir chez soi.
Les hôpitaux se débrouillent avec 15 % de financement public depuis le milieu des années 1980. Les médecins, payés au lance-pierres (entre 3 000 et 4 000 yuans, soit entre 322 et 430 euros), complètent les fins de mois avec les médicaments ; les surprescriptions et surfacturations sont monnaie courante. Une marche arrière est-elle possible ? Jean-Louis Durand-Drouhin émet un doute. « La réforme est lente, trop lente. Le secteur de la santé est l’un des plus corrompus de l’économie chinoise. Le pouvoir bute sur le problème du médicament : réguler son prix revient à tarir une partie des recettes des hôpitaux. »
Au-delà du coût de la réforme, se pose aussi la question de la capacité de l’État à restructurer l’ensemble du système. « Le ministère de la Santé chinois, ce n’est pas l’Avenue de Ségur. À Pékin, c’est 350 personnes seulement. Une toute petite tête au sommet de la pyramide. Le ministère ne maîtrise que 10 % de l’enveloppe des dépenses de santé, le reste étant géré au niveau territorial ». Le parti communiste chinois est « en copilotage à tous les étages », ajoute Jean-Louis Durand-Drouhin. Cette absence de pouvoir central influent est à ses yeux « un des bâts qui blessent ».
La Chine atteindra-t-elle son objectif de « société harmonieuse » ? « L’avènement est prévu pour 2020, mais sans doute sera-t-il un peu retardé », répond prudemment l’ancien conseiller social.
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