Annoncée lundi, la nomination du Dr François Braun au ministère de la Santé (avec à ses côtés Agnès Firmin Le Bodo, en charge de l’organisation territoriale et des professions de santé) a été plutôt bien accueillie par le secteur médical, non sans quelques réserves. L'urgentiste, qui a aussitôt quitté la présidence de Samu-Urgences de France, a également reçu les félicitations de l'Ordre des médecins.
Un dialogue décloisonné
Les représentants des médecins libéraux, qui connaissent bien l'urgentiste depuis la mise en œuvre du service d'accès aux soins (SAS), semblent à ce stade plutôt satisfaits – eux qui redoutaient surtout un profil plus clivant comme Frédéric Valletoux.
La conférence nationale des URPS s'est ainsi félicitée de ce choix « équilibré », témoignant « de la poursuite d’un dialogue ouvert et décloisonné avec toutes les parties prenantes du système de soins ». Cette nomination marque « la volonté (...) de prendre pleinement en compte les intérêts et les enjeux de l’hôpital comme de la médecine de ville, et de construire une réforme solide et durable », poursuit la CN-URPS, présidée par le Dr Antoine Leveneur, l'un des appuis de François Braun dans le cadre de la mission flash sur les urgences.
Même satisfaction pour la fédération nationale des CPTS. Le ministre de la Santé est un praticien du « premier recours, adepte du dialogue » et qui « perçoit probablement les difficultés croissantes » de l'ambulatoire. « C’est un réformiste, puisqu’il affirme qu’un système de santé doit être régulé », note la fédération présidée par le Dr Claude Leicher, ex-patron de MG France. L'arrivée d'une ministre déléguée à l'organisation territoriale réjouit également la structure. Cette fonction « désigne le territoire de proximité comme enjeu de la réorganisation du système de santé (...) », soit « exactement la mission des CPTS ».
Sens de l'écoute pour la CSMF
Le SML estime de son côté que l'arrivée de François Braun à la Santé est une « bonne nouvelle » car « il comprend le rôle de la médecine de ville dans le système de santé ». « La place importante accordée au secteur libéral dans les 41 propositions de la mission flash est à saluer », indique le SML. Le syndicat appelle toutefois à mettre en place « des solutions pérennes » pour redonner de l’attractivité au secteur libéral. Il se projette déjà dans les négociations de la nouvelle convention médicale, en demandant deux milliards d’euros par an pendant cinq ans, la revalorisation du C à 45 euros ou encore la mise en place des équipes de soins coordonnée avec le patient (Escap).
La CSMF voit aussi cette nomination comme « une politique d’ouverture » avec l’ensemble des parties prenantes. Le ministre porte « des valeurs de confiance et de responsabilités, autrement dit des valeurs de droits et de devoirs ». La centrale souligne « son sens de l’écoute » et son « pragmatisme » de médecin de terrain. Elle attend cependant « des mesures concrètes » pour que certaines conclusions de la mission flash trouvent une application immédiate, et « une lettre de cadrage claire et ambitieuse » pour négocier la nouvelle convention médicale.
Avenir Spé espère trouver un ministre « libéral compatible ». « La mission flash que le ministre vient de porter est un socle de propositions, certes, intéressantes mais avec peu de propositions nouvelles, et surtout, peu de réponses immédiates », déplore le syndicat de spécialistes libéraux. « Nous sommes prêts à nous investir dans la structuration de l’offre de soins de demain sur l’ensemble du territoire », déclare la structure du Dr Patrick Gasser.
Ministre « de rupture »
Plus réservée, l'UFML estime que François Braun devra être « un médecin pour la médecine ». L'UFML souhaite surtout que François Braun soit « un ministre de rupture totale avec les stratégies du passé » et souligne qu'il devra « s'imposer face à l'hydre administrative ». Le syndicat du Dr Jérôme Marty met en garde le ministre. « Nous serons sans état d'âme quant à la mise en place d'actions d'oppositions face à des décisions qui pourraient porter atteinte à la médecine de ville ».
De même, si MG France a félicité le nouveau duo de l'avenue de Ségur, il s'inquiète « des incertitudes sur le calendrier de mise en route » des mesures de la mission flash et regrette « des lacunes au niveau structurel ». « Ces nouveaux ministres ne peuvent ignorer que l'avenir du système de soin nécessite une réponse urgente et forte au déficit d'investissement sur les soins primaires », recadre MG France.
La Fédération nationale des infirmiers (FNI) se félicite que le pragmatisme l’ait emporté sur « des choix politiques dogmatiques » et salue « l’architecture des différents cabinets et leur articulation », signe d’une volonté d’aller « vite et fort ». Les Libéraux de santé (LDS, intersyndicale) se sont également réjouis de la nomination de François Braun et d'Agnès Firmin Le Bodo, et sont dans l'attente d'un système de santé « qui fera de la ville le niveau initial des réponses aux besoins de soins non vitaux ».
Côté établissements, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP, cliniques) croit en la capacité de rassemblement du nouveau ministre. « Les mesures annoncées la semaine dernière vont dans le bon sens pour faire face aux difficultés de l’été qui se cristallisent dans les services d’urgences », souligne le président de la FHP Lamine Gharbi, tout en saluant « son approche pragmatique, fondée sur la mission, non sur le statut ».
Provocation
Chez les représentants des hospitaliers, les réactions sont paradoxalement plus circonspectes. La Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH) l'invite à « ouvrir les travaux » de façon immédiate. « Cette nomination arrive dans un contexte de crise jamais vu à l’hôpital public. (...) Ce sont toutes nos spécialités médicales qui sont concernées. Le rapport de la mission flash constitue un premier pas mais insuffisant, ce d’autant que certaines propositions n’ont pas été suivies », constate la CPH. Le syndicat appelle à travailler rapidement sur des propositions d'attractivité (grille salariale, permanence des soins, gouvernance hospitalière).
Le porte-parole de l'Amuf, le Dr Christophe Prudhomme, se montre déjà critique. Interrogé sur franceinfo, il a qualifié cette nomination de « provocation ». « Comment pouvons-nous avoir confiance dans ce monsieur ? Les propositions [de régulation d'accès aux urgences] qui sont faites par François Braun sont catastrophiques. C'est une rupture du service public », estime le Dr Prudhomme, qui voit dans le ministre « un adversaire ».
En attente de signaux forts
De son côté, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare), sévère envers la mission flash,« attend beaucoup » du Dr Braun, qui connaît « les gouvernances dirigistes que l’on peut rencontrer dans les établissements ». Il demande l’ouverture d’un chantier sur la démocratie participative.
Quant à l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH), elle se félicite de la nomination d’un professionnel de terrain, chef d’une structure d’urgence d’un établissement hospitalier. Mais le syndicat relève que l’hôpital reste en attente de « signaux forts » afin « d’enrayer la spirale infernale d’une perte de sens sans précédent, cause de départs par forfait, abandon et désillusion de l’ensemble de ses professionnels, médicaux ou non ». C’est pourquoi l’ouverture des travaux avec le nouveau ministre doit être « immédiate ».
[Article mis à jour le 5 juillet, à 15 heures, avec l'ajout de nouvelles réactions.]
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