C’est un dôme immersif de 140 m2 et cinq mètres de hauteur capable de reproduire toutes les situations de catastrophes, tueries de masse, accidents industriels, de haute montagne. Objectif ? Entraîner les soignants aux situations de stress intense.
Une explosion s’est produite, les sirènes hurlent et un véhicule du Samu arrive. Quatre victimes ensanglantées et gémissantes gisent au sol devant une usine en feu. Une première équipe d’urgentistes prend en charge les blessés, puis une seconde, avant qu’une sur-explosion ne survienne, contaminant les victimes par des agents chimiques. Ce scénario catastrophe, fait partie des multiples exercices d’entraînements proposés aux soignants dans le centre de simulation environnementale et neurosensorielle (SENS) inauguré il y a quelques jours au CHU de Toulouse, à l’occasion des rencontres internationales de réponse à la catastrophe.
Le bâtiment qui n’a pas d’équivalent dans le monde est équipé d’un dôme immersif de 140 m2 et presque cinq mètres de hauteur. Il permet de plonger les soignants dans la réalité d’un théâtre de catastrophe : accidents de la route, tuerie de masse, accident industriel, tremblement de terre, avalanche…
Odeurs de sang et températures extrêmes
Grâce à la technologie immersive : son, perceptions sensorielles (odeur du sang et des agents contaminants, pluie, neige, variation de températures de – 3 à 30 degrés), il est possible d’y reproduire toutes les conditions environnementales et émotionnelles ressenties par les urgentistes en pareilles circonstances.
Ce matin, la Dr Anne Raynaud-Lambinet, urgentiste au CHU, et référente pour les catastrophes de types nucléaires, radiologiques, bactériologiques, chimiques et explosifs (NRBCE) scrute tous les gestes et réactions des stagiaires.
« Dans chaque scénario que nous proposons, et que les stagiaires découvrent sur le moment, les attendus pédagogiques sont précis, souligne la médecin. Par exemple, avec des victimes d’une explosion chimique, on veut former les soignants au suivi du “damage contrôle” pour assurer le contrôle hémorragique et le soin des plaies, mais aussi à la décontamination des victimes, le tout dans un contexte de très forte exposition au stress. »
À l’étage depuis la régie, David Soulès, ambulancier de métier et formateur au CHU, joue le régisseur. L’œil rivé sur le chronomètre, c’est lui qui déclenche l’explosion de la cuve qui contamine les blessés, et selon le scénario, envoie de la fumée, de la neige, simule un tremblement de terre, des coups de feu, le bruit des sirènes ou les conditions étouffantes d’un incendie.
La séquence filmée et enregistrée fait ensuite l’objet d’un débrief par équipe puis individuel. Ce jour-là, l’exercice aura duré 20 minutes, mais cela peut aller jusqu’à près d’une heure.
Grâce à une telle innovation, l’hôpital toulousain, référencé centre de réponse à la catastrophe depuis 2019, voit l’aboutissement d’un projet impulsé il y a six ans par le Pr Vincent Bounes, responsable du SAMU 31 et vice-président de la région Occitanie, qui finance le tout via des fonds européens à hauteur de 3,5 millions d’euros. C’est désormais le Dr Benoit Viau, urgentiste au SAMU 31 qui dirige le bâtiment SENS. « Avec cet outil qui n’a pas d’équivalent ailleurs, nous espérons former entre 200 et 400 personnes par an : des médecins et paramédicaux mais aussi des pompiers, des membres d’agences de l’OMS, des forces de l’ordre », indique-t-il. SENS a vocation à répondre aux besoins de formation de tous les Samu de France, et également de jeunes médecins urgentistes en fin de formation.
Se protéger pour mieux secourir
« En vivant ces situations extrêmes, nous apprenons à prendre des décisions dans des temps très courts, témoigne aussi Thomas Pardon, infirmier en pratique avancée au Samu de Toulouse. Par exemple dans le cadre d’une tuerie de masse et en cas d’exposition à des tirs, nous appréhendons à quel moment nous devons nous extraire d’une situation à risque, pour nous protéger afin de mieux secourir les gens ensuite. Ce sont des situations très difficiles à vivre en tant que soignants ».
À moins de trois mois des Jeux olympiques, qualifiés d’événement à haut risque, ces entraînements prennent tous leur sens. « C’est un bel outil pédagogique, estime la Pr Sandrine Charpentier, cheffe de service des urgences et présidente de la Société française de médecine d’urgence. Car en cas de catastrophe, seul l’entraînement permet à chaque urgentiste de trouver sa place et d’optimiser la prise en charge des victimes. » Pour les JO, trois équipes du Samu de Toulouse iront prêter main-forte dans les villes hôtes.
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